Nihil Nove

26 décembre 2005

À bientôt

Je suis au regret de vous annoncer que Nihil Nove va arrêter d'être publié pendant quelques jours, alors que son rédac' chef part se ressourcer pas très loin du milieu de nulle-part. Je serai parti jusqu'au 7 janvier. Je vous souhaite donc par avance une excellente année 2006.

En attendant, pourquoi ne pas aller voir du côté des archives? Vous (re)verrez d'où je viens et le style trop ampoulé qui était (?) le mien, ainsi que mon incapacité à aborder un sujet avant de développer un sujet connexe pendant la première moitié de l'article.

Vous pourrez lire mon autobiographie, ou encore la déclaration de principes sur laquelle cette publication fut fondée. Vous pourrez encore lire mes prédictions qui se révélèrent prophétiques:
J'en passe et des meilleures...

Amusez-vous bien, bonnes vacances si vous en avez, et à bientôt.

24 décembre 2005

Pour Noël, début de retrait américain en Irak

Donald Rumsfeld a annoncé que les effectifs des brigades de combat américaines déployées en Irak allaient être réduits de 7 000 hommes environ au début de la nouvelle année. (Libération, L'Express)

Non, non, non et non! Est-ce donc ça, l'Amérique? On se lance dans un grand projet pour modifier la carte du monde, apporter la démocratie libérale à la région qui en a le plus cruellement besoin, et affronter un des grands enjeux globaux du XXIème siècle (l'islamofascisme et le terrorisme mondialisé) sur son terrain, et, trois ans et deux mille morts après, c'est trop dur, finalement on abandonne?

Deux mille morts, certes, c'est deux mille tragédies, c'est horrible, mais en trois ans de la dernière guerre mondiale, combien de boys sont-ils morts? Combien de morts au Vietnam avant que l'opinion ne se lasse? Combien, surtout, de dizaines de milliers d'irakiens innocents auraient continué à mourir sous la férule de Saddam Hussein, coincés entre le son despotisme fou et l'embargo international, si ces deux mille jeunes gens n'avaient donné leur vie pour eux?

J'étais contre la guerre en Irak quand elle a commencé, pour toute une série de raisons qui avaient moins à voir avec ce qu'on appela alors le droit international (notion qui fait penser à certaines de ces particules de la physique quantique, dont on suppute l'existence par des calculs, mais que l'on a toujours pas réussi à observer dans la nature) qu'avec des considérations géopolitiques liées à l'explosion de cette nation qui n'a tenu jusqu'à présent que grâce à ce que j'appelle le phénomène Tito, c'est à dire un pouvoir fort qui tape également fort sur toutes les minorités disparates qui constituent l'ensemble en question, afin d'assurer l'unité.

Je craignais l'apparition d'un Kurdistan au nord qui entraînerait les autres kurdes, et donc la Turquie (et donc l'Europe), dans ce conflit. Je craignais l'apparition d'un nouveau noyau chiite extrêmiste qui, assis d'un côté sur des armes de destruction massives et de l'autre sur les deuxièmes réserves de pétrole de la planète, aurait pu, avec l'Iran en sous-main, mettre dans cette région (et le mot est faible) un des plus gros bordels qu'on n'y aurait jamais vu. Pour l'instant, j'ai eu tort.

Je craignais aussi et surtout un boulot ni fait ni à faire de la part des américains, qui se seraient lassés d'une guerre trop difficile, tuante (au propre, au sale et au figuré). J'ai bien peur d'avoir eu raison. Et j'ai bien peur que d'avoir raison sur ce point-là, ne mène à des évènements qui me donneraient raison sur le précédent.

Le bilan de George Bush, décidément, aura été en demie teinte. Avec toutes les cartes en main, il aura tout raté. Décidément, la phrase de Napoléon sur la tactique militaire s'applique très bien à la politique: c'est un art simple, tout en exécution.

M. Bush est probablement un homme d'une envergure beaucoup plus importante qu'on lui prête en Europe, mais il a le pêché crucial de déléguer l'exécution à ses subordonnés, et de choisir ses subordonnés plus en fonction de leur loyauté envers lui qu'en fonction de leurs talents. Il n'est pas entièrement blâmable de cela: un chef d'État qui ne s'entourerait pas d'hommes dont il n'aurait pas à douter de la confiance serait, pour le coup, un vrai simplet.

Toutefois, le choix de Harriet Miers, responsable de l'équipe de recherche d'un candidat à la Cour suprême, pour la Cour suprême, ou même le choix de Dick Cheney en 2000, responsable de l'équipe de recherche d'un candidat pour la vice-présidence, ainsi que le refus de virer Donald Rumsfled, pourtant responsable de la plupart des erreurs de gestions de l'après-Saddam Hussein, sont parlants...

Ainsi, M. Bush aura voulu relancer l'éducation dans son pays grâce aux bonnes mesures du No Child Left Behind Act, qui ne restera qu'à moitié appliqué car il ne put pas obtenir les financements nécessaires. Il aura voulu réformer les retraites, et par là le fonctionnement de la société américaine, avec son idée d'ownership society, qui reste jusqu'à présent lettre morte. Il aura réussi (fait inédit jusqu'à présent, et dont on ne lui porte pas crédit) à maintenir le dynamisme de son pays malgré une rafale de trois crises économiques graves et successives (la bulle Internet, le 11 septembre, Enron) grâce à des baisses d'impôts drastiques, mais comme il aura échoué à réduire la dépense fédérale, ça aura été au prix de déficits énormes. Au moins les déficits de l'ère Reagan se justifiaient-ils par la course aux armements face à l'Union soviétique, mais les coûts militaires ne représentent aujourd'hui qu'une partie mineure du déficit des États-Unis. M. Bush aura échoué à réduire la manie dépensière du gouvernement fédéral, alors même qu'il est censé être contrôlé par des républicains ultra-libéraux qui récitent chaque matin au réveil le credo du small government.

Il me fait penser à cette gravure de Dauzier, sur les gens de justice, où un avocat explique, la mine compassée, à un bourgeois attristé à qui il avait promis une victoire facile: Perdu, Monsieur, perdu sur tous les points... Il aura lancé la bataille sur tous les champs, attaqué partout, et obtenu des demies victoires partout, par un mélange de lâcheté, d'imprévoyance, d'une certaine mentalité déchirée entre l'idéalisme intellectuel le plus farouche, et le pragmatisme politicien le plus gluant.

Le seul succès de son passage à la Maison-Blanche aura été la guerre en Irak. Quoi qu'on en dise, il aura réussi à écarter Saddam Hussein du pouvoir, et, d'éléctions réussies, en adhésion des sunnites au processus politique, en marginalisation des terroristes par leurs attentats contre les civils « collaborateurs », la situation s'améliore de jour en jour.

Il ne suffirait que d'une chose pour que cette pente ascendante se pérénnise et mène à l'établissement d'un État irakien, souverain et démocratique, capable d'assurer l'unité par lui-même: une présence américaine renforcée. Pendant encore un an, deux ans, bref jusqu'en 2008, la capacité américaine de maintien de l'ordre, combinée avec la tendance (inhérente) des terroristes à se marginaliser et à s'étouffer eux-même, et avec la fin de la mise en place d'une nouvelle armée irakienne, capable de faire son métier toute seule, le pari pourrait être gagné.

Mais pour cela il ne faut pas faiblir. Il faut que M. Bush, quitte à perdre tout le reste, tienne bon sur l'Irak. Les néo-conservateurs qui l'entourent sont partis d'un postulat bien simple: un rôle dominant de l'Amérique dans le monde est bon pour l'Amérique, et bon pour le monde. Jusqu'à présent, l'histoire leur a donné raison: qui sait comment les guerres mondiales et la Guerre froide auraient tournées sans le secours providentiel, puis le leadership américain. Seulement, si l'Amérique prétend, comme Atlas, endosser des responsabilités mondiales, ils ont un devoir de les maintenir jusqu'au bout et pas, ayant déclaré qu'ils mèneraient le bateau à bon port tous seuls, sautant par-dessus bord à mi-chemin.

Quels qu'aient été les mérites sur le fond de leur entreprise, les américains sont aujourd'hui tenus par l'honneur de rester en Irak. Qu'ils montrent que leur société est une des dernières où cette notion désuète a encore cours.

23 décembre 2005

L'Adam Smith Institute

Pour mes lecteurs aussi libéraux qu'anglophones, je recommande l'excellent site de l'Adam Smith Institute, un groupe de réflexion britannique dont le nom ne trompe pas. Leurs propositions sont exactement ce qui manque à la France: à la fois ambitieuses et pragmatiques, imprégnées de pensée mais pas d'idéologie libérale. Je recommande en particulier leur site Around the World in 80 Ideas, ainsi que leur blog, qui contient par exemple cette blague: "Quand j'étais enfant, on me disait que Dieu avait tout fabriqué ; aujourd'hui, mes enfants me disent qu'en réalité tout est fabriqué en Chine."

Sarko règle ses comptes dans Libé

Au passage, allez lire cette interview de mon nouveau chef suprême dans Libération. Ca cogne!

Ump!

Il faut le prononcer, comme le bruit qu'on fait quand on reçoit un coup de poing dans le thorax: Ump! Etant donné la chronique politique, qui représente une large partie de mon boulot à Nihil Nove, je pense qu'il est de mon devoir de vous informer que je viens de m'inscrire à l'Union pour un mouvement populaire.

Je ne suis pas particulièrement sarkozien, et je l'ai d'ailleurs critiqué de nombreuses fois ici, mais justement: je pense, et j'ai déjà déclaré ma conviction que le bipartisme est la forme adulte de la démocratie. Je ne pouvais pas dire que la beauté d'une démocratie adulte c'est la diversité des courants qui peuvent éxister au sein des grands partis et ensuite aller m'encarter dans un petit parti sous pretexte que je ne suis pas d'accord avec le chef du grand. D'ailleurs il n'y a pas plus de petit parti avec lequel je m'identifie que de grand : peut être DL ou le RPF (mélange explosif!), mais ça n'existe plus...

Mes convictions catholiques m'auraient facilement fait accepter un parti de gauche moderne, de la compassion et de la réforme, qui veuille bien s'inspirer des modèles scandinave ou canadien, mais étant donné l'état de décadence et de gauchisation outrancière du PS, il n'est pas question que j'y foute les pieds avant longtemps. Oui, j'ai utilisé le verbe foutre.

Nicolas Sarkozy déclare à qui veut l'entendre qu'il veut que l'UMP soit un vrai lieu de pluralisme politique. Quant à savoir si ça sera une réalité, eh bien, nous verrons. En tous les cas, je veux tenter l'expérience: ce n'est pas dans mon tempérament de me plaindre d'une situation qui ne me plaît pas tout en restant sagement sur le banc de touche, enrobé dans ma critique. Si les choses ne faut pas bien, il faut y aller et essayer de les changer. Je ne sais pas si mon choix de l'UMP est le bon, mais il faut bien faire des choix. Mon engagement politique ne doit pas, ne peut pas, se situer seulement au niveau de la réflexion: je suis jeune, je veux de l'action.

Jack Lang avait déclaré la semaine dernière que le PS devrait s'inspirer de l'UMP, notamment pour l'inscription en ligne (je confirme, c'est encore plus facile que sur Amazon). Et effectivement, il a raison. Alors que depuis des décennies c'était la démocratie partisane de gauche qui avait le vent en poupe, la voir s'encroûter et voir la droite revenir fait plaisir.

Cependant, il y a encore du chemin à faire. On se félicite de 200 000 adhérants, et c'est très bien, mais la CDU allemande c'est 1 million. On se confit dans la modernité du système de primaires, alors que la vraie démocratie partisane ce sont les primaires ouvertes, où les sympathisants et pas seulement les adhérants votent, et pas seulement pour les présidentielles ou la mairie de Paris, mais pour chaque circonscription.

L'UMP est aujourd'hui, et de loin, le premier, le plus moderne des partis de France. Mais elle a encore un long chemin à parcourir avant de devenir un vrai parti de la droite du XXIème siècle, celle qui va l'emporter en Europe et dans le monde, car il faudra bien un jour se rendre compte que les solutions de la droite sont les meilleures.

22 décembre 2005

Evo Morales

Qu'il est beau, le nouveau président de la Bolivie!...

Aléas du calendrier, des élections législatives et présidentielles vont se bousculer en rafale pendant toute l'année en Amérique du Sud. Et j'ai bien peur que, effet Chavez aidant, ce continent ne soit submergé par une vague rose-rouge. Et plutôt rouge que rose...

Ainsi de la chilienne, et ainsi d'Evo Morales, nouveau président de la Bolivie, premier indien à être devenu chef d'Etat en Amérique du Sud. (Le Figaro, Nouvel Observateur)

Celui-ci est un beau morceau: socialiste, il veut virer les compagnies pétrolières, faire cultiver le coca par les agriculteurs, j'en passe et des meilleures. Cela augure mal de l'avenir de ce continent beau et troublé, qui a au contraire besoin d'une bonne dose de thatchérisme bien senti, ou en tout les cas d'une politique économique cohérente, fondée sur des objectifs de développement, et pas sur de la démagogie électoraliste...

21 décembre 2005

L'Iran, suite (et fin?)

L'Iran continue à faire parler de lui, et cette fois-ci c'est sérieux: non pas des propos certes abjects mais légers en conséquences, ce coup-ci ils recommencent sur le terrain du nucléaire. (Libération, L'Express)

Plus ça va, plus cette affaire sent le roussi. On l'a vu avec Osirak, Israël ne laissera pas (et avec raison) une puissance extrêmiste de son voisinage acquérir la bombe. De plus, l'Iran est fortement isolé. Non pas au niveau international, où la Chine lui échange la technologie dont il a tant besoin contre le pétrole dont elle a tant besoin, et où la Russie s'en sert comme atout contre les États-Unis, mais au niveau régional. Contrairement aux irakiens ou aux palestiniens, les iraniens ne sont pas des arabes sunnites, mais des perses chiites. Leurs voisins ne bougeront pas un petit doigt pour eux — au contraire.

L'échéance est clairement les élections législatives américaines de 2006. Malgré leurs difficultés actuelles, les républicains ont de bonnes chances de l'emporter car le découpage des circonscriptions favorise les candidats à la réelection, mais ce à condition qu'il n'y ait pas de nouvelle flambée au Moyen-Orient (et que la bulle immobilière ne s'effondre pas trop vite). Mais après ces élections, ils auront la voie libre jusqu'en 2008: c'est à ce moment que des choses risquent de se passer.

Quel sera le rôle de la France à ce moment-là? Notre politique au Moyen-Orient est, il faut le dire, un échec. Certes, la rue arabe nous aime bien, mais ça ne nous protège pas du terrorisme et ça ne nous donne pas d'avantages politiques. Quand il s'agit d'apparaître à la télé pour dire qu'il faut libérer nos otages, aucun problème, on peut trouver des extrêmistes à la pelle. Mais pour les libérer vraiment, là il faut casquer, comme tout le monde. Ca fait 40 ans qu'on achète du pétrole aux arabes à des prix supérieurs à ceux du marché pour leur faire plaisir, qu'on aide les palestiniens à construire les infrastructures dont ils ont besoin pour construire leur économie, et qu'a-t-on reçu en échange? On brûle moins le drapeau français que le drapeau américain. Super.

Nous avons réussi à revenir grâce à l'heureuse crise du Liban. Mais, au moment de la crise de l'Iran, il nous faudra transformer l'essai. Serons-nous alors à la hauteur de nos responsabilités? Je n'en sais rien.

Juppé sur l'éducation

Alors qu'il se prépare à revenir avec ses gros sabots (Libération), j'aimerais attirer votre attention sur une vieille page du blog d'Alain Juppé, qui complémente mes propos d'hier matin sur l'éducation.

Si j'ai vu le problème sous l'angle de l'enseignement à fournir aux enfants, lui prend l'angle de la gestion des ressources humaines du mammouth: évidemment, c'est complémentaire, tout aussi important, et tout aussi tabou.

P.S. Je viens de me rendre compte que j'utilise beaucoup trop l'expression "attirer l'attention". Untel a attiré mon attention sur telle chose, j'aimerais attirer votre attention sur tel machin. On dirait une secrétaire de préfecture (non que ce ne soit pas un métier honorable). Des idées d'alternatives?

20 décembre 2005

Benoît XVI sur le modèle français

Et via Le Monde, en plus!

Comme toujours lorsqu'il s'agit du pape, je ne peux que faire silence et apporter mon complet accord.

Comme c'est mignon

Au passage, pour rigoler, j'attire votre attention sur Cute Overload, un site qui rassemble sous forme de blog toutes les photos les plus mignonnes qu'ils trouvent ou que leurs lecteurs veulent bien leur envoyer. Si, comme moi, votre talon d'Achile est les chatons ou les chiots de cartes postales, n'y allez pas, où vous allez y perdre trois heures.

L'éducation, clé de l'assimilation

Cette tribune de Valeurs actuelles pose bien le problème de l'assimilation en France. Pour cela, il n'y a qu'une manière de réussir: l'éducation. Une éducation aveugle et égalitaire, qui permet à chacun de se construire selon sa vocation.

Le matin, après avoir chanté la Marseillaise dans la cour, les élèves s'installent dans de grandes classes de plus de 40 élèves, et apprennent par coeur des fables de La Fontaine, font des mathématiques (beaucoup de mathématiques, pas besoin d'avoir des parents qui parlent français pour être bon en maths), de la grammaire, de l'histoire et de l'éducation civique qui les rende fiers d'être français. Ils étudient tous sur des ordinateurs portables, à 85 euros par élève, c'est gratuit. L'après-midi, comme en Finlande, les grandes classes des cours magistraux sont réparties en petits groupes de soutien, de 4 ou 7 élèves, dans les matières difficiles. Ensuite, après-midi libre, avec centre aéré pour les enfants dont les parents travaillent (et qui peuvent se le payer avec des bons de l'Etat). Des bourses pour des enfants doués, comme sous la IIIème République. Des places, des places, des places et de l'argent, beaucoup d'argent, pour les enfants handicapés, comme en Suède. La pension pour les élèves difficiles ; ça vaut mieux que la prison plus tard.

C'est pas compliqué. Et en même temps c'est si compliqué! C'est compliqué parce qu'il y a des mammouths. C'est compliqué parce qu'il y a des mythes incapacitants, sur les petites classes, sur les devoirs à la maison, sur le temps passé à l'école. C'est compliqué, surtout, parce qu'être fier d'être français, et vouloir rendre les autres fiers d'être français, aujourd'hui, c'est tabou. Mais il faudra en passer par là un jour ou, de 21 avrils en Clichy-sous-Bois, se ruer vers le précipice...

Tête de con.



Sans commentaires.

La pocrainisation des esprits

L'on a attiré mon attention sur cet article du Nouvel Observateur, qui reprend les paroles du président de la Ligue des droits de l'homme, une organisation d'extrême gauche, qui aurait déclaré à la radio que Nicolas Sarkozy, ministre-président de l'UMP, tiendrait un discours d'extrême-droite, lepéniste, etc.

Je tiens d'abord, avant d'aborder le fond, à exprimer ma déception par l'attitude de l'Obs, qui se fait le simple porte-voix de ces propos, sans le moindre esprit critique. Ce magazine a de très bons journalistes et produit souvent de très bons papiers, et c'est dommage de les voir faire une faute si facilement évitable.

Je tiens ensuite à me moquer du syllogisme Le Pen = Hitler, Sarkozy = Le Pen, donc Sarkozy = Hitler (on me l'a sorti hier dans une conversation). Pour des gens qui réclament la fin de l'amalgame dès qu'on touche (par exemple) à leurs petits copains rappeurs qui appellent au meurtre des CRS, au viol et à la haine sous toutes ses formes, il y a là un simplisme qui dénote, soit une stupidité, soit une mauvaise foi remarquables.

Je décèle, dans la véhémence unanimiste et absolutiste qui s'élève aujourd'hui contre M. Sarkozy un phénomène plus encourageant, qui me rappelle l'avant-29 mai. Plus le courant de fond en faveur du non prenait en importance, plus la véhémence médiatisée contre ce mouvement s'accentuait, accrue par la peur et l'incompréhension.

L'extrême gauche ressort cette vieille arme émoussée (déjà dans les années 80 on l'utilisait contre Jacques Chirac) de l'amalgame avec Jean-Marie Le Pen parce qu'elle sent bien que, malgré les gesticulations villepinistes, c'est M. Sarkozy qui a le vent en poupe. Bref, cette pocrainisation des esprits augure de bonnes choses pour l'avenir.

19 décembre 2005

Mort à la méthode globale!

J'aimerais ici apporter mon soutien aux tentatives de Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale pour lequel je n'ai pourtant aucune affinité, d'asséner enfin le coup de grâce à la méthode globale d'apprentissage de la lecture, qui voudrait faire reconnaître aux enfants les mots dans leur ensemble, au lieu de la bonne vieille méthode syllabique du b a ba. (Le Figaro, Libération)

On dit que la méthode globale n'est presque plus utilisée en pratique, justement à cause de ses résultats pitoyables, mais je suis enclin à en douter, tellement elle a encore ses caciques au sein de ce ruminant préhistorique géant que figure assez bien notre ministère de l'éducation nationale.

Comme tant d'autres mesures de la gauche, la méthode globale a des effets antisociaux, car elle privilégie les élèves de milieux aisés. En effet, puisqu'on ne fournit pas à l'enfant les outils pour déchiffrer les mots tout seul, il n'apprend à lire qu'à mesure qu'il est instruit. Un fils de parents lettrés pourra, en fin de compte, après des difficultés, apprendre à lire par la méthode globale. Un fils de parents qui ne lisent pas à la maison décrochera, quelques soient ses capacités par ailleurs.

Alors qu'il est évident que l'école ne joue plus son rôle d'ascenseur social, avec les conséquences que l'on sait, il convient d'appuyer toutes les initiatives tendant à y rétablir même un semblant d'égalité des chances.

18 décembre 2005

Article de Jacques Attali

Je vous invite à lire la chronique de Jacques Attali de cette semaine dans L'Express, avec laquelle je suis d'accord en tout points: la critique gauchiste de l'Amérique qui fait le jeu des ennemis de la démocratie (et qui est recue par les médias avec des hochements de tête approbateurs), et la nécessité pour l'Europe de conquérir enfin son indépendance politique, et donc militaire.

M. Attali est sans doute trop intelligent pour s'attarder sur la méthodologie: comment arriver enfin à une Europe politique et militaire? Mise à part notre PAC' si tourmentée, les seuls succès européens ont été conventionnels, et pas communautaires. Il est impossible à une Union européenne de 25 membres, qui va bientôt comprendre la Turquie, qui comprend déjà trop de membres de l'OTAN, donc féaux des États-Unis, d'acquérir une indépendance ou une unité quelconque. Il faut passer par la volonté politique des États, et en particulier des deux États qui comptent (ou doivent compter) en Europe, la France et l'Allemagne.

Qu'à elles deux elles construisent une force militaire indépendante, sans se soucier de l'UE et, progressivement, les autres États, poussés par leurs peuples affamés d'indépendance, voudront se joindre à ce pacte. C'est comme ça qu'Airbus et Ariane furent des succès, et c'est comme ça qu'on fait des politiques européennes qui marchent, pas autrement.

Du rififi à l'OMC

Je ne cesse de m'amuser de la contradiction inhérente à la position alter-mondialiste: ils sont contre la libéralisation des échanges, alors que les premiers à en profiter seraient les agriculteurs du tiers-monde, et ceux qui profitent des subventions agricoles l'incarnation du conservatisme et de la réaction style Chasse-Pêche-Nature-et-Tradition. C'est avec ce genre de réflexions qui marchent sur la tête qu'on voit un de ces chanteurs gauchistes pondre un « Hymne de nos campagnes » qui pue le pétainisme à plein nez. Mettons fin à cette société marchande capitaliste glôbalisée et revenons aux vraies valeurs: la terre, le travail, la famille, la patrie. Philippe de Villiers et José Bové, même combat.

Blague à part, sur le fond, je pense qu'on peut avoir le beurre et l'argent du beurre: les subventions agricoles et le développement du tiers-monde. Seulement, comme le reste, ça n'arrive pas parce qu'il faut de la volonté politique pour se faire. J'ai déjà écrit pourquoi, bien que grand partisan du libéralisme dans presque tous les autres domaines, je pense que le protectionisme en matière agricole est une nécessité géopolitique. Tout en gardant notre PAC', la France pourrait facilement établir des relations avec ses anciennes colonies pour les aider à se construire des États viables, condition préalable et nécessaire au développement économique, et à investir dans leur économie, lui donner les conditions de la croissance, avant de la laisser s'envoler de ses propres ailes.

17 décembre 2005

Article de DSK

J'invite les anglophones parmi vous à lire l'article On a Modern Path (fichier .DOC) de Dominique Strauss-Kahn, bientôt publié dans The Economist, mon journal fétiche, pas tant à cause de son caractère éditorial franchement libéral qu'à cause de la rigueur et de l'intelligence de son travail, dont il n'y a aucun exemple comparable en France.

Il s'insurge contre la mentalité du Français moyen qui veut à tout prix devenir fonctionnaire et appelle à la création d'une culture de l'entrepreunariat en France. Et, bien entendu, il déclare s'inspirer du modèle suédois: comme le disait déjà Alain Peyrefitte il y a une trentaine d'années, les français se font de la France une certaine idée de la Suède.

J'éspère que M. Strauss-Kahn, s'il devient jamais président, n'oubliera pas que le bon état actuel de l'économie suédoise est dû à des coupes sombres dans le budget de l'État, et à la mise de la très majeure partie des fonctionnaires au statut de contractuels, astreints à résultats sous peine de renvoi, ce qui est loin d'être le cas pour les serviteurs de notre État tant endetté.

En tous cas, cette manie de s'inspirer à tout crain de la Suède, depuis tous les points de l'échiquier politique, est énervante. D'abord parce que je me souviens d'avoir parlé avec un suédois dans un pub londonien, qui se plaignait des impôts trop élevés, des fonctionnaires qui ne foutent rien, etc.

Certes, il y a des choses à retenir de leurs institutions. Mais n'oublions pas que la Suède est un pays neutre, sans véritable armée et certainement sans politique étrangère, sans devoirs envers l'humanité et l'histoire. Le but d'une vraie politique en France ne doit pas seulement être de relancer l'économie et de remettre en état notre système aberrant de justice sociale (ce qui est déjà pas mal, je suis bien d'accord), mais bien de s'attaquer aux grands défis du XXIème siècle: l'unité de notre société, la construction européenne, l'islamo-fascisme, la définition de la vie... Tous ces sujets mondiaux sur lesquelles une voix française n'est pas entendue, alors qu'il est de notre devoir de la faire entendre plus haut que les autres.

Le modèle suédois peut donc être une source d'inspiration pour nous, mais pas un modèle, parce que la France a, ou doit avoir, d'autres aspirations.

Djack

Je ne peux que vous encourager à lire cet article dans L'Express à propos de Jack Lang, qui a certes quelques années au compteur, mais reste néanmoins formidable (l'article, pas l'homme politique).

La journaliste, Elise Karlin — elle mérite que je cite son nom —, le suit dans sa circonscription de parachutage du Pas-de-Calais et dresse de l'homme un portrait tout simplement époustouflant, avec assez peu de tics de journaleux dans la rédaction. C'est extrêmement rare de trouver un portrait d'homme politique qui vaille le coup: ce mélange d'amour, ou en tout cas d'attirance prédominante pour les autres, d'égo démesuré et d'ambition sans faille se prête mal au stylo. Ici, c'est réussi à 100%.

Voici le lien.

La VIème République de Bayrou

Encore un! François Bayrou vient de se prononcer pour une VIème République, et pas celle d'un autre, non, il faut que chacun ait la sienne. Son projet est flou, ambigu, sans imagination, convenu, trouvez-moi d'autres épithètes. (Le Figaro, Libération)

Que c'est énervant! Notre Constitution, comme l'écrivit le grand constitutionnaliste Georges Vedel, est « pleine de virtualités opposées ». Elle peut se plier à maintes interprétations au lieu de quelques-unes, et c'est ça qui en fait la Constitution idéale pour la France: sa flexibilité. Pourquoi alors tant de volontaires pour la VIème?

Il est vrai qu'il y a un malaise institutionnel. La cohabitation est un « bug » qui nous a pourri la vie pendant trop longtemps. Le quinquennat, censé l'élminier, pourrait en fait la ramener de manière perverse et pérenne, et change complètement la dynamique de notre Constitution. C'est son tueur silencieux.

On pourrait, comme je l'ai déjà écrit, facilement empêcher les cohabitations en permettant à l'Assemblée de pousser le président de la République à la démission, uniquement dans le mois suivant une nouvelle élection: un président désavoué par le peuple serait donc forcé à se démettre. On pourrait également confier au Conseil constitutionnel la charge de décider si un référendum constitue un désaveu du président, et prévoir sa démission dans ce cas. Une réunion du Congrès, deux ou trois articles modifiés, et plus jamais de cohabitation. Pas la peine de changer de République.

On pourrait surtout se décider à inculper un président désavoué devant la Haute cour de justice: on n'aurait même pas besoin de toucher à un mot de ce texte magnifique. Il suffirait d'avoir du courage. Denrée rare en politique!

Certes, me dira-t-on, mais le président de la République ne peut être inculpé que pour haute trahison, terme vague s'il en est.

Cependant, un président qui reste au sommet de l'Etat malgré un désaveu, alors que l'esprit de la Constitution le rend responsable devant le peuple, commet la faute par laquelle « la lettre des textes est respectée, tandis que l'esprit de l'institution est renié », selon les mots de Georges Liet-Vaux, théoricien de la fraude à la Constitution, « respect de la forme pour combattre le fond ».

C'est par une fraude à la Constitution que Pétain a pris le pouvoir en 1940. Or, si sous la Vème, ce que Pétain a fait pour enterrer la IIIème n'est pas de la haute trahison, alors rien n'est de la haute trahison. Donc, la Vème République contient tous les outils pour se réformer elle-même.

La vraie raison pour laquelle on voit toutes ces VIème républiques pulluler est parce que ça ne coûte pas cher. Les hommes politiques le savent bien, nos vrais problèmes sont avant tout le chômage et le malaise économique ; et ils savent aussi bien que les vraies solutions sont des solutions libérales, de fluidification du marché du travail, de privatisation, de baisses d'impôts drastiques, de non remplacement des fonctionnaires. Seulement, ça, ils ne peuvent ou ne veulent le dire.

Sauf moi, personne ne voit M. Bayrou proposant des réformes économiques plus à droite que celles de Nicolas Sarkozy, même s'il sait pertinemment que c'est ce qu'il faut à la France.

Alors proposer des plans sur la comète de nouvelles Républiques qui ne verront jamais le jour, c'est toujours plus facile.

Le blog de Pascal Lamy

J'attire votre attention sur le blog de Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, qui rédige depuis Hong-Kong un petit « carnet de bord ».

On peut penser ce qu'on veut au fond de ce technocrate pur-sucre, il reste qu'il a une trempe pas ordinaire. Manipulateur de réseaux, homme au sang froid et à la bonhomie bien dosée, calculateur affable, il est l'efficacité faite homme. Dommage qu'il la mette à son service plutôt qu'à celui de son pays.

En tous cas, bien entendu, ce blog est d'un consensualisme mou assez décevant, bien que nécessaire étant donné sa charge. Il lui est évidemment impossible de révéler les détails des négociations de Hong-Kong, et encore moins de dire ce qu'il en pense vraiment. Toutefois, comme le blog d'Alain Juppé, al1juP, il n'est pas sans une certaine saveur qui lui fait mériter le coup d'oeil.

16 décembre 2005

L'importance des blogs

De nouveaux chiffres confirment l'importance croissante des blogs, y compris en France. (TF1, L'Expansion)

Tout ça est bel et bon, mais à quand une vraie relation entre lectorat et influence? Les blogs, en France, concernent plus le dernier week-end à La Baule de l'auteur (non pas que La Baule ne soit pas un endroit charmant), que ce qui se passe dans le monde.

Aux États-Unis, les blogs ont une vraie influence sur la politique, à la fois pour la réflexion et l'action. Ils constituent un vrai média parralèle aux médias institutionnels, dont la vivacité est à mesure de leur absence des cadres qu'on trouve dans les salles de rédaction. Il faut que ça arrive en France, il faut qu'il y ait ce genre de systèmes informels et intrinsèquement libéraux (puisque fondés sur la liberté), pour donner des coups de fouets à notre classe politique.

Oui, certes, les blogs ont révélé le nom de la copine de Nicolas Sarkozy (que je ne répéterai pas), mais ce n'est pas ça qui est important: à part mettre son nez dans sa vie privée, je ne vois pas l'intérêt. On ne joue pas dans la même division que Matt Drudge, du Drudge Report, qui a révélé le premier les frasques de Bill Clinton avec Melle Lewinski, en publiant une enquête refusée par Newsweek. C'est ça qui compte! Les blogs doivent jouer le rôle, sinon de l'agora de la Cité antique, au moins du Canard enchaîné — pas celui de Public.

La Joconde dégoûtée à 9%

Des informaticiens ont créé un logiciel qui analyse une photographie et détermine l'émotion qu'éprouve la personne photographiée. Ils ont utilisé ce logiciel pour analyser la Joconde et, apparemment, elle est heureuse à 83%, dégoûtée à 9%, effrayée à 6% et enfin énervée à 2%... (BBC)

Je vous laisse vous faire votre opinion sur cette trouvaille farfelue.

La dette, problème politique majeur

Tout d'abord, un peu de clientélisme. Alors que le rapport Pébereau estime la dette à 2000 milliards d'euros, une opinion de mon père publiée au Monde l'estime à 3000. (Le Monde)

L'étendue de la dette de l'État et son effet sur l'économie démontre l'invalidité des méthodes de gauche avec lesquelles la France a été gouvernée depuis 25 ans. Le keynésianisme, l'idée selon laquelle la dette de l'État peut stimuler la croissance, a été réfutée par l'absurde: nous n'avons jamais eu tant de dette, nous n'avons jamais eu si peu de croissance. Il convient enfin de sortir de la mentalité selon laquelle plus l'État est dépensier, plus on affecte d'argent à un projet, meilleur il est. Il faut revenir au conservatisme fiscal, avec des impôts bas et des budgets équilibrés.

Mais surtout, ce qu'il est important de retenir à propos de la dette, c'est que ce n'est pas un problème de comptabilité ou de gestion de l'État, mais bien un problème politique majeur.

C'est d'abord un problème politique car c'est une camisole de force pour les décideurs politiques. La nécessité de rembourser la dette empêche la baisse des impôts dont notre pays a pourtant tant besoin pour relancer la croissance. Elle empêche surtout d'entreprendre des projets politiques. Un ministre qui veut lancer un projet n'a tout simplement pas d'argent pour le faire, et pas de possibilité d'en avoir.

C'est ensuite un problème social car elle attaque le lien social comme les termites attaquent les poutres d'une vieille maison. La rareté de l'argent public exaspère les corporatismes. Chaque intérêt particulier veut bénéficier d'une prébende, comme les cafetiers avec leur réduction de TVA, le tout au mépris de l'intérêt général. Elle attaque le lien entre les générations, qui est pourtant assez endommagé comme ça.

C'est ça qui est crucial dans la dette, et il y a là un vrai devoir d'éducation du peuple français à faire. Les français savent bien que l'explosion de la dette, oui, d'accord, c'est grave, bien sûr, mais ils ne savent pas à quel point c'est grave. Même moi j'ai écrit pour me moquer de toutes nos préventions contre la dette.

Toutefois, elle est arrivée à un niveau qui est très inquiétant pour l'état de la République. Ce sujet, comme tant d'autres, montre la nécessité d'enfin sortir du mode de gestion socialiste de l'État. C'est à dire réduire drastiquement le nombre des fonctionnaires. C'est à dire mettre ceux qui restent au travail. C'est à dire privatiser tout ce qui n'est pas régalien ou stratégique dans l'État.

C'est possible : la Nouvelle-Zélande, et même le Canada et la Suède, modèles pourtant de social-démocraties, ont réduit le nombre de fonctionnaires drastiquement, ont contractualisé ceux qui restent pour les responsabiliser, ont bravé la douleur et la difficulté des réformes. Mais pour faire ces réformes difficiles, il faut le soutien du peuple, et pour avoir le soutien du peuple, il faut lui faire prendre conscience de la gravité des problèmes qui l'attendent. La République ne se réformera, ne se rénovera qu'avec le peuple français.

Élections législatives en Irak

Nouvelle réussite pour les américains en Irak: les irakiens se sont mobilisés en masse pour voter aux élections législatives. (Le Figaro)

Je répète à cette occasion ce que j'ai déjà dit à propos de l'entreprise américaine en Irak.

A chacun de ces rendez-vous électoraux on promet aux américains l'échec, et ils emportent à chaque fois le morceau. Cela veut dire que les irakiens ont vraiment soif de démocratie, et repoussent le terrorisme, et c'est ça qui compte. Cela veut dire qu'ils peuvent réussir à y installer durablement la démocratie.

C'est pour ça que, bien que j'ai été contre l'intervention quand il l'ont lancé, maintenant que c'est fait, je pense que ce que l'Amérique a entrepris en Irak est très important et historique, et qu'il faut qu'ils réussissent.

15 décembre 2005

Bayrou 1, Robien 0

Lors de la réunion du Bureau politique de l'UDF, Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale et avocat d'une réorientation de ce parti vers une alliance avec l'UMP, fut proprement défait, n'y rencontrant aucun soutien et exclusivement des amis de François Bayrou, président du mouvement, qui l'enmène toujours plus à gauche. (Le Figaro, Libération)

Tant pis pour lui. Comme je l'ai déjà dit, je pense honnêtement que la stratégie de M. Bayrou, si elle fonctionne médiatiquement en ce moment car elle permet de distinguer UDF et UMP, ne fonctionnera pas politiquement sur le long terme, car les électeurs du centre ne voteront pas pour un projet de gauche. Si j'étais membre de l'UDF, je serais partisan de Gilles de Robien, toute girouette et suiveur de la tendance générale qu'il est. Et encore, comme j'ai un tempérament à sombrer avec le navire, peut-être resterais-je fidèle à M. Bayrou...

Toujours est-il que je ne suis pas à l'UDF, et je suis donc content que M. Bayrou l'emporte dans son parti. Avec un peu de chance, plus il se radicalisera, plus il se marginalisera, plus l'UMP sera tentée de ne faire qu'une bouchée de son mouvement aux prochaines législatives et, enfin, il n'y aura plus qu'un grand parti de la droite républicaine.

Le bipartisme est la forme adulte de la démocratie. En tant que libéral, je suis bien entendu mille fois pour la pluralité d'idées et le débat : justement, ce débat entre courants démocrate-chrétien, libéral, souverainiste, etc. doit avoir lieu à l'intérieur d'un grand parti de la droite, sans que la fidélité à un homme ou à une idée plutôt qu'envers le chef ne soit ressentie comme une abominable trahison, comme ce fut trop souvent le cas dans le RPR, mais simplement comme une preuve de pluralisme qui apporte de la force démocratique au parti dans son ensemble, comme c'est généralement le cas dans les grands partis anglais, américains, allemands, etc.

L'obstination des grands partis à laisser de petits groupes comme les communistes pour le PS, et l'UDF pour l'UMP, exister, me stupéfie. Le pouvoir aime pourtant le pouvoir! Pourquoi le grand ne mange-t-il pas le petit? Pour une fois que c'est dans l'intérêt général...

J'aimerais que le Gouvernement prenne son parti (sans jeu de mots) de modifier les articles L123 et L126 du Code électoral pour que les députés soient élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour, le seul mode efficace. Dans un monde parfait ce mode de scrutin serait même constitutionnalisé par le Congrès car, structurellement, il permet l'émergence de deux grands partis, qui sont la condition d'une démocratie stable.

Putain Kong!

Telle était le titre de la une de Libération lors de la sortie du film. Je fus bien entendu choqué de cette vulgarité qui semblait peu nécessaire. Jusqu'à ce que j'aie vu le film.

Effectivement, après ces trois heures qui passent en coup de vent, cette paire de claques visuelles, ce film d'aventures au rythme téméraire, on n'a guère d'autre manière de s'exprimer: putain Kong!

Mises à part les scènes d'action, qui sont tournées avec tout le talent que Peter Jackson a su y mettre au moment du Seigneur des anneaux — la scène du combat entre King Kong et trois dinosaures vaut à elle seule le prix du ticket —, ce que ce film réussit et que les autres grandes productions hollywoodiennes font rarement, c'est présenter beaucoup de personnages et les rendre tous attachants.

Dans la plupart de ces super-productions, mis à part deux ou trois personnages principaux (et encore!), tous les autres personnages sont oubliés dès qu'ils ne sont plus à l'écran. Ici, chacun a une réelle complexité, j'ai senti qu'ils avaient une vraie histoire même si le film de s'y attardait pas, emporté qu'il était dans ses évènements extraordinaires.

C'est un vrai film d'aventure. On suit une équipe d'explorateurs récalcitrants, mais qui explorent néanmoins car ils ont plus à perdre dans la civilisation que dans l'Île du Crâne où ils se sont échoués, s'aventurant dans un monde né des fantasmes accumulés dans l'imagination fertile de Peter Jackson depuis qu'il a vu le premier King Kong enfant, avec des ruines gigantesques de civilisations passées, une tribu de sauvages tout à fait méchants, des dinosaures, et toute une série d'animaux géants — en plus du gorille.

Mais, malgré les plans de caméra qui vous font remonter le diaphragme dans la glotte, traversant toute l'île pour lier le personnage masculin principal à sa belle enlevée, malgré les chauve-souris géantes et les cafards géants, ce qui fait que le film a l'impact d'un coup de poing dans le ventre, c'est que pendant toutes ces péripéties, on s'identifie aux personnages.

Au moment où untel échappe pour la troisième fois à une mort certaine en se raccrochant à une liane pendue au bord du précipice, ce qui provoque le soupir d'angoisse et de soulagement n'est pas tant le découpage et le montage, mais l'identification que l'on éprouve pour le personnage en question.

Et n'importe quel étudiant en cinéma vous dira que c'est ça le cinéma: l'identification à des personnages. Si on s'identifie à un personnage, on oublie le monde pendant quelques heures, et on ressort avec des séquelles qui dureront une vie. Sinon, on « décroche » et on s'ennuie à regarder des images mouvantes, aussi belles soient-elles.

L'identification est le seul objectif que doit rechercher un réalisateur, et le seul critère que doit employer le critique. King Kong y réussit magnifiquement, et je ne peux donc qu'applaudir.

Le musique est (ha ha...) le seul bémol. Alors que M. Jackson a fait revenir, notamment pour le scénario et les effets spéciaux, les mêmes équipes qui avaient fait un travail époustouflant sur le Seigneur des anneaux, il a recruté pour la musique James Newton Howard, compositeur de la musique d'Urgences, auteur de musiques d'ambiances, efficaces mais oubliées avant la dernière mesure. Là aussi il aurait dû prolonger le contrat d'Howard Shore, à mon avis le meilleur compositeur de musiques de films à Hollywood en ce moment (en tous cas le plus original), dont les oeuvres restent gravées durablement au coeur de toute personne qui a vu un des films du Seigneur des anneaux. Sur ce point crucial, M. Jackson passe avec la moyenne alors qu'il aurait pu avoir une excellente mention comme sur tous les autres.

Mais si vous avez trois heures à tuer, rendez-vous un service, allez le voir. Au pire, vous oublierez le monde exterieur, vous ne verrez pas le temps passer, et vous en ressortirez fourbu d'être resté assis aussi longtemps, mais heureux car destressé par un bon divertissement. Au mieux, vous vous attacherez à des personnages et à une histoire qui viennent vraiment du coeur d'un des meilleurs réalisateurs au monde, tellement que vous écrirez un article dessus sur votre blog.

14 décembre 2005

Les orteils du législateur sur l'histoire

Philippe Malaurie, grand auteur juridique au sens de l'humour acerbe, écrivit que le domaine de la loi dépendait moins de l'article 34 de notre Constitution, où il est inscrit, que de la pointure des chaussures du législateur. Apparemment on veut lui couper les orteils.

Toute une série de personnalités viennent de demander par pétition « l'abrogation de ces dispositions législatives indignes d'un régime démocratique » que sont les lois 13 juillet 1990 (Gayssot !), du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001 (Taubira !), du 23 février 2005, etc. (Libération)

Comme quoi, quand c'est la gauche qui déborde, on ne dit rien, quand c'est la droite, on se réveille.

Une citation pour détendre les esprits

L'idée clé de la philosophie du Général, c'est la dignité. En politique intérieure, dignité des individus, des ouvriers, des paysans, des classes défavorisées. En politique étrangère, dignité des peuples, si pauvres et si arriérés soient-ils, surtout s'ils le sont. Dignité des humiliés et des offensés.
Georges Pompidou à propos du général de Gaulle, cité par Alain Peyrefitte, de l'Académie française, C'était de Gaulle **.

12 décembre 2005

Figaro Figaro Figaro

Je viens de remporter une grande victoire politique. La bibliothèque d'un de mes centres universitaires pouvait se targuer d'une sélection de presse disponible aussi variée que Le Monde, Le Monde 2, ou encore Le Monde de l'éducation... Les autres journaux disponibles étaient Newsweek et Courier international : bref, rose horizon.

J'ai donc écrit une petite note dans le cahier des réclamations de la bibliothèque, arguant des principes républicains d'égalité et de diversité, et réclamant donc la présence du Figaro à côté du Monde. Après quelques jours, je reçus une réponse qui disait, en gros, que premièrement Le Monde est le journal de référence pour les étudiants depuis 50 ans et deuxièmement, que de toute manière il n'y a pas le budget pour autre chose.

Toutefois, je ne me suis pas laissé démonter aussi facilement! Après quelques discussions avec une bibliothécaire qui m'aime bien, j'ai pu ce matin lire le premier Figaro de ma bibliothèque universitaire. Devant ce grand moment de fierté, je n'ai pas pu m'empêcher de verser une larme...

D'accord, j'éxagère peut être.

07 décembre 2005

La loi et l'histoire

Le fameux amendement concernant le « rôle positif de la colonisation » génère l'unanimité : c'est un non-sens de légiférer sur l'histoire. Il est étrange que ce consensus n'éxistât pas au moment des lois Gayssot et Taubira : peut-être parce qu'elles étaient des lois de gauche?

D'abord sur le fond : pour ce qui est du « rôle positif de la colonisation », cette question n'a pas de sens. Tout dépend de la définition qu'on a de « positif ». Je pense que le fait que la moitié de l'Afrique parle français c'est positif, mais c'est un jugement tout à fait personnel. Je pense que l'éxistence d'un Léopold-Sédar Senghor c'est positif, mais combien de ses compatriotes wolof furent-ils tuées par les français pour que lui et tant d'autres sans nom puissent aller à l'école française, et qui peut juger si l'un justifie l'autre? Moralement, politiquement et historiquement, ça n'a pas de sens.

Surtout, sur le débat posé par cet amendement: je suis pour.

Eh oui! Moi, le défenseur de la réctitude républicaine, des organes publics et de leurs fonctions, du bon droit, du domaine de la loi. C'est typiquement le genre d'aberrations législatives contre lesquelles je m'insurge. Et pourtant.

Premièrement, l'amendement en question n'est pas une simple proclamation, contrairement à la loi Taubira: il prescrit l'inscription de ce rôle positif dans les programmes de l'éducation nationale, et c'est là tout le noeud de la question.

Croit-on qu'avant le passage de cet amendement, les livres d'histoires de nos enfants étaient des édifices à la gloire de l'objectivité historique, où René Rémond et Pierre Nora se regardaient amoureusement dans le fond des yeux? Les programmes scolaires sont, depuis Mai 68 (au moins!), nettement à gauche, et ça ne fait pas de mal de réctifier le tir, même si c'est maladroitement fait ici.

De plus et surtout, notre Gouvernement a un ministre de l'éducation nationale. Pas de l'instruction publique ni des beaux-arts. Le but de l'école en France n'est pas seulement d'apprendre à lire, à écrire, et à trouver un boulot, c'est aussi de fabriquer du citoyen. Et on ne fabrique pas du citoyen avec de la commisération et de l'auto-flaggellation. Il faut que nos livres d'école rendent nos enfants fiers d'être Français! Il nous faut du Charlemagne à la barbe fleurie, du Saint-Louis rendant la justice sous un chêne, une frise d'images d'Epinal jusqu'à François Mitterrand et Helmut Kohl se tenant la main à Verdun!

Les livres de Michelet sont, du point de vue de la science historique, de l'arnaque à grande échelle. La glorification de la prise de la Bastille, hold-up crapuleux en réalité, transformé en soulèvement populaire par l'imaginaire collectif, est malhonnête intellectuellement. Mais c'est ça qui a cimenté la République! Le peuple français était royaliste — les élections successives du XIXème siècle l'ont montré, au grand dam des républicains — jusqu'à l'école obligatoire.

Il faut rendre nos enfants fiers de la République, et pour ça il faut leur inculquer une histoire qui montre la grandeur de notre pays. De toute manière, l'histoire apprise aux enfants sera toujours trop simple pour être vraie. Quitte à faire des choix, autant qu'ils soient des choix productifs. C'est pourquoi je préfère que les programmes de l'éducation nationale mettent l'accent sur les actes d'héroïsme et de justice d'hommes comme Brazza et Lyautey plutôt que sur les crimes que, effectivement, nous avons commis, mais qui ne représentent pas ce qu'est la France ni son histoire, en tout les cas pas ce qu'elle doit être dans l'esprit de ses enfants.

Libre ensuite aux historiens de remettre en question ces images d'Epinal, qui ne sont bien que ça: mais vouloir enseigner autre chose aux enfants est illusoire.

Il reste que, comme on l'a observé, cet amendement, tout comme les amnésies et hypermnésies que l'on a constaté, par exemple, au moment du bicentenaire de la victoire d'Austerlitz, l'histoire est devenue en France un enjeu politique. Et je suis pour une fois d'accord avec le reste des commentateurs, ce n'est guère sain.

Cela montre surtout notre manque de référent. Nous avons peur de notre mémoire, mais en même temps elle nous obsède ; c'est un symptôme du malaise de nos institutions. Nous ressentons mal l'histoire de la loi de 1905 car nous avons des problèmes de laïcité. Ce n'est pas seulement en recouvrant la foi en notre mémoire que nous recouvrerons la foi en nos institutions, c'est aussi en les rénovant, et en les rendant à nouveau fidèles aux principes républicains qui en font la beauté et l'efficacité: liberté pour tous, égalité des chances, fraternité des citoyens.

David Cameron!

David Cameron, député britannique, mon chouchou, a été élu chef du Parti conservateur!

Cet ancien conseiller politique a connu une ascension formidable: élu député en 2001, il devient bientôt ministre de l'éducation dans le gouvernement d'opposition puis, après la défaite de 2005, annonca sa candidature à la direction du Parti. Il est apparu au départ comme un challenger face à David Davis, mais son ambition de vouloir réformer son parti remporta les suffrages des membres du Parti.

M. Cameron est l'équivalent à droite de Tony Blair, débordant de charme et de suavité, ne s'embêtant pas avec des idéologies mais restant pragmatique. Il était la seule chance pour les conservateurs de devenir à nouveau aimables pour l'électorat britannique, et il est heureux eux que les membres du parti s'en sont rendu compte.