Nihil Nove

31 mars 2005

Référendum Traité : le OUI sera vainqueur

"Le non n'est pas naturel? Quelle sotte naïveté!"
Marivaux

Puisque l'actualité des deux prochains mois y sera consacrée, il faut bien que Nihil Nove se prononce sur le « Traité instituant une constitution pour l'Europe » et nous nous prononcons de manière unanime en faveur du OUI .

Non pas en faveur de mettre un bulletin marqué « oui » dans l'urne . Nous sommes en faveur du « oui » : nous pensons qu'il va gagner .

Je réserve mon jugement en ce qui concerne le libellé du bulletin à mettre dans l'urne . En effet, le Traité est un document juridique, et sa pertinence ne peut donc être évalué que par des arguments juridiques . Pas par les arguments démagogiques dont les deux côtés abusent avec une sorte de puissante déléctation qui ne lasse pas d'étonner . Je retiens donc mon jugement dans ce domaine .

La campagne est beaucoup plus rigolote à observer . A regarder LCI et à lire Le Monde, les camps du « oui » font tout ce qu'il ne faut pas faire . M. Hollande, Premier secrétaire du Parti socialiste, n'a pas profité de sa victoire au référendum interne à son parti pour évincer et réduire au silence les partisans du « non » . M. Chirac, Président de la République, s'est envolé pour le Japon et semble aussi intéressé par les matches de sumo auxquels il est convié que par la campagne, dont il a laissé la direction à son Premier ministre M. Raffarin, dont l'indécrottable impopularité déteint sur la cause qu'il défend .

C'est comme s'ils le faisaient exprès!

Je pense que le « oui » va l'emporter tout simplement parce-que le « non » a eu son heure . L'histoire est faite de mouvements qui montent avant de s'abîmer . Le mouvement du refus de l'Union Européenne a eu son apogée au moment du Traité de Maastricht, et ils ont échoué . N'en déplaise à M. Villiers, ils ne feront pas mieux aujourd'hui .

Plus pragmatique est de remarquer que M. Chirac a beaucoup trop à gagner d'une victoire du « oui » pour le laisser si facilement s'enliser . Il entretient le mystère autour de sa possible candidature à sa succession en 2007 ; nul ne sait s'il va se présenter, probablement pas lui-même . Toutefois, il n'a pas le choix : s'il laissait savoir qu'il ne se représentera pas, ce serait la fin de sa vie politique, tous ses appuis passeraient à des hommes promis à plus d'avenir .

Toutefois, pour que Chirac-candidat soit crédible, il lui faut une belle victoire, pour s'élever au-dessus de l'impopularité de la politique de son Gouvernement, pour montrer qu'il n'est pas aussi vieux et usé qu'il veut bien le laisser croire, qu'il peut renouveler son exploit de 1995 en 2007, avec M. Sarkozy dans le rôle du favori de l'époque, M. Balladur . Le Traité est là .

Le vote « non », à gauche comme à droite, est un vote des franges: les extrêmes, et aussi les moins extrêmes ; le vote « oui » est un vote du centre élargi . Le centre est plus nombreux que les extrêmes ; quand il perd, ce n'est pas parce-que les extrêmes sont plus nombreux, mais parce-qu'il s'abstient . Et il s'abstient quand il est sûr de gagner, on l'a vu avec le référendum sur le quinquennat ou, plus récemment, avec le référendum sur le même Traité, en Espagne .

Donc, pour les mobiliser, il faut leur faire sentir le danger . Le « non » pourrait gagner, il y a un vrai enjeu M'sieu-dames ! Que c'est facile de faire dire ce que l'on veut à des sondages, et qu'ils sont peu fiables . Je me souviens de ceux, alarmés, qui donnaient 40% à M. Le Pen au deuxième tour de l'élection de 2002, comme pour se rattraper de leur bévue du premier . Il reste deux mois avant le référendum, autant dire une éternité . Tout le temps du monde pour rentrer du Japon, donner de l'inertie à une campagne, et renverser la vapeur . Il ne coute donc pas grand-chose et peut rapporter gros de laisser l'avantage au « non » en début de partie, pour le crédibiliser et ainsi favoriser une mobilisation en faveur du « oui » .

Telle est mon analyse, qui n'accorde aucun crédit aux récents sondages . Comme promis, Nihil Nove s'expose avec franchise et sans demie mesure à une belle humiliation avec mon pronostic en faveur du « oui », moi qui avait déjà prédit que la campagne n'aurait jamais lieu . Décidément, je ne suis pas promis à une carrière de bookmaker .