Nihil Nove

08 juillet 2005

London 2012

Oups !

Ma thèse sur l'échec de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2012 est que le budget pots-de-vin de l'État a été vidé pour Florence Aubenas, notre ancienne otage en Irak, et qu'il n'en restait plus pour les membres du Comité international olympique chargés de désigner la ville vainqueur, qui ont donc choisi Londres .

Plus sérieusement, d'un point de vue objectif, le projet parisien était le meilleur de tous ; il n'est pas la peine de s'étendre sur les motifs de la décision du CIO : distribution de valises, lobbying acharné, charme de Tony Blair—il m'est décidément très difficile de cacher mon admiration pour cet homme—, présence d'enfants pendant la présentation... Nous ne saurons jamais le fin mot et le résultat reste le même .

Puisque mon âme est fondamentalement nostalgique, cette victoire de Londres m'a poussé a éxaminer les projets des autres villes afin de savoir ce qui aurait pu être . Celui de New York, par exemple, était ambitieux : deux nouvelles lignes de métro auraient transpercé Manhattan, le Queens et Brooklyn . Ce qui amène la question : pourquoi ne pas construire ces lignes de toute manière ?

Si la mobilisation de toute une ville, voire de tout un pays, pour obtenir une nomination pour ce qui n'est, après tout, qu'une grosse compétition sportive, est une chose étonnante—et assez enivrante—à regarder, observer cette même mobilisation retomber comme un soufflé après l'échec est stupéfiant . Si le projet prévu pour les Jeux olympiques est si bon, si bénéfique, qu'est-il donc besoin des Jeux pour le mettre en chantier ?

En effet, les Jeux sont une telle occasion de concevoir des grands projets d'urbanisme, de mettre la ville sur une planche à dessin et de tracer des grands traits avec des crayons de toutes les couleurs, que l'on voudrait que ça arrive à intervalles réguliers .

Et après tout, pourquoi pas ?

Les parisiens, contrairement à ce que laisserait croire le beau teint rosé qu'arbore la Mairie, sont les pires conservateurs que l'on puisse trouver . Ils ne se sont toujours pas remis du Centre Pompidou, et il s'en faut de peu qu'ils ne continuent à éxècrer la Tour Eiffel et les avenues haussmaniennes, conspuées par tous lors de leur construction . Même avant l'heureux balayage de Napoléon III, Balzac regrettait le Paris d'antant, alors qu'il avait si peu changé depuis le Moyen-Âge . Je ne suis pas assez érudit pour connaître la position de François Villon sur le sujet, mais je veux bien parier qu'il regrettait la bonne vieille époque où Paris était un forum romain au milleu d'une étendue de boue—sens étymologique de Lutetia .

Il faut aux parisiens une échéance périodique qui les pousse aux beaux changements, aux grands projets d'urbanisme . Il faudrait à cette fin un évènement purement parisien, mais auquel notre rayonnement global saurait donner l'attrait d'une olympiade ou d'une exposition universelle, qui nous pousserait chaque fois, grâce à des thèmes différents, à repenser nos infrastructures, notre urbanisme, mais également notre vie et notre atmosphère .

Une sorte d'exposition universelle ou de foire, qui se déroulerait à Paris à intervalles réguliers, tous les 6 ans, pour coincider avec le mandat du Maire, ou même tous les 12 ans pour donner à l'évènement une plus grande stature encore, et qui attirerait les visiteurs du monde entier, plus encore que Paris en accueille à l'accoutumée . Cette foire, soulignons-le, bien que parisienne, devrait avoir un attrait universel pour nous pousser aux projets les plus audacieux .

Quant à ceux qui croient qu'une telle audace ferait perdre à Paris son esprit ou son charme, je rétorquerais qu'ils ont bien peu de foi en Paris et en les parisiens . Paris sera toujours Paris, et s'attacher aux contingences d'autrefois ne fait qu'étouffer ce si bel esprit dans un carcan .

Toutefois, si nous avions cette échéance périodique à prendre en compte, Paris changerait sans arrêt, les défauts de nos réseaux de transports, de nos structures d'accueil, ou encore les quartiers défavorisés, nous serions poussés à résoudre tous ces problèmes-là . Mais surtout, par-delà les problèmes d'infrastructures, Paris serait en permanence poussée à remettre en question son urbanisme, à rénover une ville qui a si peu changé depuis le XIXème siècle et qui mérite si mieux .

Et tant pis pour les Jeux !