Nihil Nove

22 avril 2006

Rude journée.....

Je reviens d'une semaine en Ukraine. J'aurai des pensées plus construites sur ce pays de contradictions. En attendant, laissez-moi évoquer les principales étapes de la journée que je viens de vivre.

Au milieu de la nuit, je suis attablé dans un bar souterrain, invisible de la rue, devant une chope de bière beaucoup trop grande pour mon bien. A ma gauche un Irlandais tenancier de bar à Kiev, devant moi un indien naturalisé néerlandais et à ma droite, un allemand étudiant à Oxford puis à Genève. J'aborde la jolie ukrainienne à côté de moi en anglais baragouiné, lingua franca de tous les commerces.

Je me reveille à six heures du matin avec une barre au milieu du front pour prendre le taxi pour Borispol, l'aéroport de Kiev. Le taxi sent la moquette sale et le chou, il joue la musique qu'on aime en Europe de l'Est et dans les boîtes françaises de Province. La radio passe "Voyage Voyage." Sans déconner, Voyage Voyage. Dans mon seul sac, enrobées dans les vêtements devenus radioactifs après ma visite de Tchernobyl, des cartouches de cigarettes pour les amis. Bref, tout va bien: normalna.

Dans l'avion légèrement jauni d'Ukraine Airlines, j'essaye de baisser le store de mon hublot pour prendre un repos bien mérité. Il se bloque. Je force. Tout le hublot manque de me rester dans la main. Normalna, normalna.

A Zurich, je visite l'aéroport le plus propre que j'ai jamais vu, glissant sur le granite poli entre les magasins de chocolat et d'horlogerie duty free pour prendre un avion plus occidental. Je lis les descriptions des montagnes helvétiques dans Chateaubriand en même temps que je les survole. Je mélange sa prose à des regards d'aigle sur les paysages qu'il a vu en piéton: qu'aurait pensé le vieux barde de pouvoir s'envoler si aisément au dessus de cette terre qu'il a tant battue de son humilité et de son génie?

Arrivé à Paris, je prends un journal sur un présentoir. Quand j'étais parti, la réprésentation nationale avait été bafouée par un membre démagogue qui avait obtenu gain de cause pour ses bergers, et par le retrait d'une loi légitime face à la détermination de poignées de militants, le garant de l'exécution des lois avait impunément proclamé son refus d'exécuter les lois, et le chef du Gouvernement humilié avait ajouté l'affront à la disgrâce en refusant de se démettre. Une semaine après, quelle révolution a renversé ce régime qui s'est rendu illégitime par son absurdité? Quel soulèvement d'une colère légitime et populaire a dû être réprimé par le pouvoir? Rien Monsieur, rien ne s'est passé, tout est oublié.

Eta normalna.

12 avril 2006

Interdiction du tabac!

Non, non et non!

Qu'est-ce que c'est que ce paternalisme au glucose? Ce totalitarisme soft? Laissez les gens faire ce qu'ils veulent, bon Dieu de bois! Si la cigarette embête quelqu'un, qu'il demande poliment au fumeur à côté de lui d'éteindre sa cigarette!

Cette mesure représente tout ce qui débloque avec notre société: l'État qui s'arroge le droit de juger à la place des citoyens ce qui est bon pour eux. Un Gouvernement qui fait des mesures consensuelles et qui ne changent rien à la situationhistoire d'éviter les vagues. Des chiffres absurdes qui circulent dans les médias (avant c'était 3 000 morts par an du tabagisme passif; maintenant c'est « de 3 000 à 5 000 »), sans sources, alors qu'il n'existe pas de données scientifiques solides pour affirmer l'existence d'un quelconque tabagisme passif.

Je ne suis pas fumeur. Mais j'ai envie de mettre à jour la phrase de Voltaire: je ne suis pas d'accord avec vos habitudes, mais je me battrai jusqu'à la mort pour votre droit de faire ce que vous voulez. Si cette mesure passe, je me rendrai dans un tabac et j'allumerai une cigarette en acte de résistance citoyenne, et je vous invite tous à me suivre.

11 avril 2006

Foutage de gueule: suite (et fin?)

Le constitutionnaliste en moi ne peut s'empêcher d'être perturbé par les pirouettes institutionnelles que l'on est obligé de faire pour empêcher d'enterrer ce pauvre CPE (qui ne voulait de mal à personne). Un chef de l'État qui annonce publiquement qu'il n'appliquera pas, et obstruera l'application, d'une loi votée par les représentants du peuple. Les autorités du parti dirigeant qui se substituent à celles discréditées de l'État pour mener sa politique. Ce blog juridique montre les aspects abracadabrant(esque)s de la proposition de loi déposée.

Christophe Barbier, avec qui j'avais dîné avant la résolution de la crise, m'avait déjà exposé sa thèse (ma foi fort répandue) que les institutions de la Vème République ne fonctionnent plus, et qu'il faut les changer avant de pouvoir entreprendre toutes réformes. N'est-ce pas le mal français de vouloir toujours changer les institutions? Mais la France n'est-elle pas un pays si politique que les institutions y comptent plus que dans les autres? Ces derniers évènements ne démontrent-ils pas par l'absurde l'épuisement d'une République dont le costume du chef de l'État a été taillé trop grand pour ses successeurs?

Qu'en pensez-vous?

07 avril 2006

5 anti-CPE renversés...

...par un automobiliste lors de leurs barrages sauvages.

Je n'ai qu'une chose à dire: qu'on donne à ce brave chauffard une médaille! Il a fait ce que le reste des Français rêve de faire!

(Non, je rigole!)

02 avril 2006

Un an depuis le départ...

Jean-Paul II est mort depuis un an, jour pour jour.

Souvenons-nous de la reconnaissance universelle, de l'ampleur de l'oeuvre de Jean-Paul II. Les gens qui furent frappés durement par son départ, qui voyaient en lui véritablement l'un des plus grands hommes de son siècle (de ses siècles), dépassaient de très loin la communauté catholique ou chrétienne.

Malheureusement, modernité, inconstance est ton nom, et on oublia aussi vite que possible ce grand sentiment populaire et mondial. L’élection de Benoît XVI, homme de cœur et d'humilité, fut décriée comme l’arrivée d’un « conservateur » (la pire insulte dans la bouche d’un journaliste français). Sa première encyclique, Deus caritas est, fut accueillie avec de gentilles moqueries, bah oui, on le savait déjà que Dieu est amour, alors qu’une telle proclamation est essentielle à l’heure des violences religieuses qui secouent le monde, et assez rare pour être signalée.

Jean-Paul II n’était pas seulement le chef qu’il était incontestablement, plein de charisme et d’allant même dans la plus grande souffrance, c’était également un philosophe et un poète. C’est pourquoi je vous invite à vous rendre sur le site de Liberté politique, une excellente revue de réflexion catholique, qui publie pour cet anniversaire un poème inédit en français de Jean-Paul le Grand.

Banquet de Czarnolas.

01 avril 2006

Du grain à moudre...

« Les domaines des sciences sont très éloignés les uns des autres. Leur façon de traiter leurs objets est radicalement différentes. Ces disciplines multiples et dispersées ne doivent aujourd'hui leur cohésion qu'à l'organisation technique des universités et des facultés et ne gardent leur signification que grâce à la finalité pratique des disciplines mêmes. Par contre, l'enracinement des sciences dans leur fondement essentiel est bien mort. »
Martin Heidegger, Qu'est-ce que la métaphysique? (1929)

Cité par Olivier Camy, professeur de droit constitutionnel à Sciences-Po et à l'Université de Bourgogne.

Il paraît que la femme est l'avenir de l'homme. En tout les cas, ce qui est sûr, c'est que la philosophie est l'avenir de la science.