Nihil Nove

17 décembre 2005

La VIème République de Bayrou

Encore un! François Bayrou vient de se prononcer pour une VIème République, et pas celle d'un autre, non, il faut que chacun ait la sienne. Son projet est flou, ambigu, sans imagination, convenu, trouvez-moi d'autres épithètes. (Le Figaro, Libération)

Que c'est énervant! Notre Constitution, comme l'écrivit le grand constitutionnaliste Georges Vedel, est « pleine de virtualités opposées ». Elle peut se plier à maintes interprétations au lieu de quelques-unes, et c'est ça qui en fait la Constitution idéale pour la France: sa flexibilité. Pourquoi alors tant de volontaires pour la VIème?

Il est vrai qu'il y a un malaise institutionnel. La cohabitation est un « bug » qui nous a pourri la vie pendant trop longtemps. Le quinquennat, censé l'élminier, pourrait en fait la ramener de manière perverse et pérenne, et change complètement la dynamique de notre Constitution. C'est son tueur silencieux.

On pourrait, comme je l'ai déjà écrit, facilement empêcher les cohabitations en permettant à l'Assemblée de pousser le président de la République à la démission, uniquement dans le mois suivant une nouvelle élection: un président désavoué par le peuple serait donc forcé à se démettre. On pourrait également confier au Conseil constitutionnel la charge de décider si un référendum constitue un désaveu du président, et prévoir sa démission dans ce cas. Une réunion du Congrès, deux ou trois articles modifiés, et plus jamais de cohabitation. Pas la peine de changer de République.

On pourrait surtout se décider à inculper un président désavoué devant la Haute cour de justice: on n'aurait même pas besoin de toucher à un mot de ce texte magnifique. Il suffirait d'avoir du courage. Denrée rare en politique!

Certes, me dira-t-on, mais le président de la République ne peut être inculpé que pour haute trahison, terme vague s'il en est.

Cependant, un président qui reste au sommet de l'Etat malgré un désaveu, alors que l'esprit de la Constitution le rend responsable devant le peuple, commet la faute par laquelle « la lettre des textes est respectée, tandis que l'esprit de l'institution est renié », selon les mots de Georges Liet-Vaux, théoricien de la fraude à la Constitution, « respect de la forme pour combattre le fond ».

C'est par une fraude à la Constitution que Pétain a pris le pouvoir en 1940. Or, si sous la Vème, ce que Pétain a fait pour enterrer la IIIème n'est pas de la haute trahison, alors rien n'est de la haute trahison. Donc, la Vème République contient tous les outils pour se réformer elle-même.

La vraie raison pour laquelle on voit toutes ces VIème républiques pulluler est parce que ça ne coûte pas cher. Les hommes politiques le savent bien, nos vrais problèmes sont avant tout le chômage et le malaise économique ; et ils savent aussi bien que les vraies solutions sont des solutions libérales, de fluidification du marché du travail, de privatisation, de baisses d'impôts drastiques, de non remplacement des fonctionnaires. Seulement, ça, ils ne peuvent ou ne veulent le dire.

Sauf moi, personne ne voit M. Bayrou proposant des réformes économiques plus à droite que celles de Nicolas Sarkozy, même s'il sait pertinemment que c'est ce qu'il faut à la France.

Alors proposer des plans sur la comète de nouvelles Républiques qui ne verront jamais le jour, c'est toujours plus facile.