Nihil Nove

31 janvier 2006

Politest

Allez faire l'excellent Politest, questionnaire sur Internet qui évalue votre orientation politique selon trois axes gauche-droite, et les compare à celle de quelques grands partis. On vous donne le parti dont vous êtes le plus proche, et un parti dont vous êtes également proche, mais moins. J'ai eu en choix 1 l'UMP et en choix 2 l'UDF.

Sur l'axe « économique et social », je suis en effet très libéral. Mes réponses vont du centre (sur la mondialisation) à l'extrême droite (sur les entreprises, trop maltraités par notre modèle socialiste: en Suède je serais beaucoup plus au centre). Le test me place donc logiquement à droite de la droite.

Sur le second axe, « les manières de vivre », je suis aussi plutôt à droite, mais pas exclusivement. J'ai eu une réponse que le test place nettement à gauche, sur les homosexuels, qui selon moi « doivent avoir le droit de vivre normalement, en affichant leur homosexualité s'ils le souhaitent ». Je suis libéral, mais pas libertaire. En tant que catholique, je crois que la politique est la recherche du bien commun, et que ce bien commun est aussi un bien moral. Donc, si la liberté de chacun s'arrête où commence celle des autres (deux hommes peuvent parfaitement vivre en concubinage, et s'embrasser avec la langue sur la table voisine de la mienne sur une terrasse de café), cette liberté ne saurait s'exercer en contradiction avec les valeurs que les institutions d'une société doivent défendre (donc, pas de mariage gay).

Le troisième axe est « l'identité et la responsabilité ». Là encore, je suis au centre et à droite. Ma réponse classée la plus à droite est: « Plutôt que de trop assister les gens (ou de les inciter à profiter du système), il faut les responsabiliser afin qu'ils comptent plus sur eux-mêmes et moins sur l'Etat pour s'en sortir. », ce qui est mon opinion la plus sincère.

Bref, amusez-vous avec ce test, qui vous en apprendra certainement, non seulement sur ce que vous pensez, mais sur ce que les autres pensent par rapport à ce que vous pensez.

Et puis, c'est rigolo.

30 janvier 2006

21 ans de Télématin

Je vous recommande cet article de Libération sur les 20 ans de l'émission Télématin. C'est assez rigolo, même si ça ne vole pas très haut — après tout c'est du Libé.

Je suis moi même un habitué de Télématin, qui est un bon jogging intellectuel. Beaucoup de crises de nerfs et de coups de gueule que j'ai éructé à la télévision face à telle ou telle fadaise se sont transformées en articles de NN. C'est ma dose quotidienne de bien-pensance, qui me permet de passer de l'état de larve amorphe en caleçon et robe de chambre à celui de larve amorphe en pantalon et chemise, ce qui est quand même beaucoup mieux.

Bon anniversaire.

Des pôles de solidarité

Tiens, allez, pour alimenter le débat d'idées si anémié, je vais offrir une proposition. Cadeau. A qui la veut. Elle plaira aux socialistes, aux sociaux-démocrates, aux centristes, au centre-droit et même à la droite. Satisfait ou remboursé.

L'idée est de compléter (ou de confronter, selon qu'on est dans la majorité ou dans l'opposition) les fameux pôles de compétitivité avec des pôles de solidarité. Tout comme les pôles de compétitivité qui, par un système d'incitations fiscales et de communication accrue entre les acteurs, intensifient l'activité économique à certains endroits, les pôles de solidarité utiliseraient des mécanismes similaires afin de renforcer les services publics là où ils en ont le plus besoin.

On me rétorquera avec raison que des initiatives allant dans ce sens existent déjà, notamment pour inciter les entreprises à employer dans les banlieues difficiles, sans parler des ZEP. Toutefois, force est de constater que ces initiatives sont des échecs cuisants. J'y vois deux raisons principales.

La première est le manque de visibilité de ces initiatives, qui serait compensé si elles étaient regroupées sous une appellation commune dans un projet commun.

La deuxième, surtout, est le fait que notre réponse principale aux problèmes des zones difficiles est simplement d'ouvrir plus grand le robinet à fric. Et les shadoks pompaient, pompaient...

Les pôles de solidarité alloueraient leurs financements sur la base de projets communs à tous les acteurs (sphères publique, économique, associative...) et de contrôles sur l'application de ces projets, afin de fournir une vraie incitation (en bon français, on dit incentiver les acteurs) à la performance.

Dans les banlieues, le tissu associatif est maintenu sous perfusion par les subventions, les transformant en simples extensions de l'État. Inscrire une logique de projet dans l'allocation de ces subventions permettraient de lui rendre de la vitalité, en faisant partir l'initiative d'en bas et pas d'en haut, en rendant à l'État son rôle de soutien aux acteurs.

Il faudrait aussi inciter les entreprises, non seulement à employer et former dans ces endroits, ce qu'elles ne font pas assez, mais aussi prendre le relais des services publics dans un contexte d'économie mixte d'abord, puis libérale ensuite. Donner un job et de la formation à un ancien détenu au sein d'une entreprise qui rend un service public ferait gagner tout le monde: la réinsertion, le rendement des services publics, et l'entreprise.

Créer des fondations pour lever des fonds privés afin de financer les lycées, comme Richard Descoings entend le faire en Seine Saint-Denis. Le service civil facultatif aurait là également son rôle à jouer.

Bref, le potentiel d'idées est infini. Dans tous les cas, il s'agirait d'inscrire les zones défavorisées dans une logique qui ne soit ni celle de l'assistanat ou de l'abandon, mais au contraire une logique de reprise de l'activité économique, des services publics, et de la vie sociale.

Si les français plébiscitent la gestion de la crise des Banlieues par le Gouvernement, ils jugent sévèrement son action afin d'en résorber les causes, notamment parce que cette action manque de lisibilité et de cohérence. Les pôles de solidarité me semblent une bonne idée pour régler ce problème.

Avis aux amateurs...

29 janvier 2006

Le contrat flanby

Face au CPE, François Hollande propose, une fois n'est pas coutume, un « contrat sécurité formation ». (Libération, L'Express) Notez au passage que les articles de ces deux feuilles sont rigoureusement identiques: les journalistes sont-ils paresseux et ont simplement copié la dépêche AFP, ou prennent-ils leurs ordres rue de Solférino? Un peu des deux, probablement...

Quoi qu'il en soit, l'idée de ce programme est, comme le précise chaque article, la «
logique de sécurisation sur toute la vie professionnelle ». La logique de protéger les emplois et pas les personnes. La logique qui échoue déjà en ce moment en France et en Allemagne. La logique qui est fondamentalement inadaptée à celle d'un monde en mouvement perpétuel. La logique du chêne de la protection et non du roseau de la flexibilité face à la bourrasque de la mondialisation (c'est mon tempérament poétique qui ressort).

La logique d'une démagogie gauchiste qui n'a que trop longtemps duré. Il n'est pas responsable pour François Hollande de dépeindre l'action du Gouvernement comme celle de méchants conspirateurs affidiés au Medef, qui veulent plonger les français dans la nuit de la « précarité », ce nouveau totem. L'action du Gouvernement est certes critiquable, mais en s'inscrivant dans ce schéma manichéen il se place dans une posture d'agitateur populiste, et pas de chef d'une opposition démocratique.

L'adaptation de notre pays à un phénomène inévitable, la mondialisation, dans un contexte de désespoir pour toute une partie de notre population, de glissement de notre pays sinon de « déclin », autre mot qu'il ne faut pas employer, ne devrait pas faire l'objet de déchirements partisans, mais au contraire d'un mouvement commun vers des solutions qui ne sont ni de gauche, ni de droite, mais simplement celles qu'ont adopté les pays qui ont su faire leur transformation.

La flexibilité du marché du travail, la « précarité », ce n'est pas une malédiction, mais au contraire, une bonne chose: c'est plus sympa de changer de boulot souvent que de rester derrière le même bureau toute sa vie. Les français ont le trouillomètre à moins cinquante, ce qui est fort compréhensible, car ils sont ballotés de faussetés démagogiques en désinformations délétères.

Il faut expliquer aux Français, leur faire comprendre. Il faut surtout réformer. Enmener la France, qui aime être emportée. Elle a peur des réformes comme on a peur de faire du vélo la première fois. Au départ on ferme les yeux, on avance prudemment, en étant portés, puis on y arrive tout seul, et on y prend goût.

En selle!

27 janvier 2006

Ça se/Julliard

Depuis la nouvelle année, je suis désemparé: mon émission du vendredi après-midi que je regarde religieusement, Ferry/Julliard, sur LCI, est diffusée en même temps que mon autre émission politique préférée, Ça se dispute, sur iTélé. Déchirement!

Puisque les deux intellectuels sont entrecoupés par un journal télé, je zappe ensuite sur iTélé pour regarder Éric Zemmour et Christophe Barbier se disputer aimablement: mais je dois ensuite revenir sur LCI, au plein milieu de la discussion, ce qui est d'autant plus déprimant!

Bref, si un directeur des programmes d'une des deux chaînes me lit, par pitié, décalez, afin qu'on puisse regarder l'une après l'autre, parce que je n'ai pas encore le talent ou le courage pour regarder l'un en même temps que l'autre.

L'opéra bouffé

Je suis allé hier à l'opéra (je sais, très chic) au Châtelet, voir Siegfried.

J'étais heureux, car je suis un fan de musique classique, particulièrement d'opéra, particulièrement de Wagner, et particulièrement de sa Tétralogie. Et j'en ai eu pour mon argent (j'étais invité) : si la musique était excellente, avec un chef d'orchestre impeccable et des voix exceptionnelles, la mise en scène relevait purement et simplement du foutage de gueule.

Passons sur le fait que Siegfried, adolescent exubérant et sans peur, était joué par un sexagénaire ventripotent. Il avait une voix formidable, et ça compte plus que le physique. Passons sur les décors et costumes « épurés » à l'extrême, intégralement dépourvus d'imagination. Passons.

La mise en scène elle, était une honte. Aucun mouvement. Quand je dis aucun mouvement, c'est aucun mouvement. Lorsque le personnage de Mime est censé forger une épée, il reste debout en tenant un marteau au-dessus de lui, son maquillage et l'éclairage lui faisant rappeler les fresques de la propagande socialiste, immobile alors que les coups de cloche répétés censés figurer ses coups de marteaux s'additionnent. La musique entraînante du combat de Siegfried contre le dragon est rendue absurde par un Siegfried immobile, surplombé par une tête géante, toute aussi immobile. Le moment où Siegfried lime l'acier de son épée pour pouvoir la reforger est retranscrit ainsi: le chanteur prend un morceau d'épée et le pointe du doigt. Il reste ainsi immobile pendant plusieurs minutes.

Bref, on nage dans le concept.

Ce qui m'énerve, ce n'est pas tant de savoir que le metteur en scène est probablement un ancien maoiste reconverti dans le trotskisme qui se balade en Mercedes.

Ce qui est véritablement scandaleux, c'est qu'à une époque où l'opéra est en crise intellectuelle et financière, notamment parce que les gens le considèrent comme un art trop élitiste, ces gens, au lieu de vouloir infirmer ce préjugé, font de leur mieux pour le confirmer.

Je suis un grand amateur d'opéra, et, si certains snobs sont très heureux de faire de leur clique un club aussi fermé que possible, je ne rêve que de voir ce noble art acquérir un vrai attrait populaire. Mais pour y arriver, il faudra commencer par vider tous ces branleurs qui aiment à se confire dans leur arrogance incestueuse.

26 janvier 2006

Démission d'Ahmed Qorei (?)

Je viens de voir sur LCI qu'Ahmed Qorei aurait démissionné de son poste de premier ministre de l'Autorité palestinienne, mais, pour cause d'Outreau sur iTélé, de Davos sur CNN et d'interview sur BBC World, je n'en sais pas plus.

Il semblerait en tous cas que le Hamas n'ait pas seulement réalisé un score sans précédent, mais véritablement remporté les éléctions législatives en Palestine. Si Israël sait en tirer avantage, c'est une excellente nouvelle pour le Moyen Orient, car il pourra enfin prétendre légitimement ne plus avoir d'interlocuteur, et faire une politique de retrait unilatéral progressif sur la base d'un État palestinien soumis à un État israélien agrandi avec Jérusalem pour capitale. Cela peut sembler injuste à première vue, mais c'est véritablement la seule garantie de démocratie et de baisse du terrorisme dans la région.

Mais pour cela, à moins de deux mois des élections, il faudra que le nouveau premier ministre Ehud Olmert ait au moins la carrure de son prédecesseur, sinon au propre du moins au figuré. L'a-t-il? Là est toute la question.

25 janvier 2006

Davos

Alors que commence un nouveau sommet de Davos, je n'ai pas pu m'empêcher d'aller chercher cet email de 2003, envoyé par une journaliste américaine à quelques amis, qui l'ont envoyé à quelques amis, qui l'ont envoyé à quelques amis, jusqu'à ce qu'il fasse le tour du monde, qui décrit avec une candeur remarquable les arcanes du pouvoir. Comme quoi nos chefs ne sont pas des oracles: quelles erreurs dans leurs prédictions!

Plus je fréquente moi même les arcanes du pouvoir (parisien, pas encore mondial...), plus je me rends compte d'un aspect prédominant chez tous ces personnages. Ils sont arrivés, ils se savent bien plus doués que la plupart de leurs contemporains, ils ont un certain âge, ils sont conscients de leur mérite, et, aussi intelligents et perspicaces qu'ils puissent être par ailleurs, ils possèdent par conséquent certaines certitudes bien accrochées qu'il leur semble absurde de remettre en question. Les erreurs inexplicablement monumentales commises par certains grands génies politiques de l'histoire ne trouvent pas leur origine ailleurs.

C'est vrai pour notre modèle, tout comme c'est vrai pour la morale personnelle: ce qui est le plus important, au fond, ce n'est pas tant ses opinions que la capacité de les remettre en question. C'est ça qui permet d'avancer.

24 janvier 2006

Chouette, le nucléaire revient!

C'était à prévoir: malgré le lobbying médiatique actif des groupes écologistes, la piste du nucléaire s'impose progressivement comme la meilleure réponse à la crise énergétique qui est entrain de caractériser le début du XXIème siècle. Elle est aujourd'hui le sujet d'une concertation européenne. (Libération, Le Figaro)

Je vais essayer de montrer ici que le nucléaire est non seulement la meilleure option économiquement parlant, mais aussi écologiquement parlant: c'est une vraie énergie renouvelable. Il faut donc pousser à l'adoption générale du nucléaire, afin d'assurer un meilleur environnement pour nos enfants.

Écologiquement, il est incontestable que le nucléaire est la meilleure source d'énergie. On l'a vu lors de l'application du Traité de Kyoto: c'était grâce à son adoption du nucléaire, si décriée par les écologistes, que la France se trouvait soudain dans le peloton de tête des critères écologiques. Économiquement aussi: c'est la source la moins chère une fois qu'on la. Toutefois, pour l'obtenir, il faut consentir des investissements très importants. J'y reviendrai.

Une centrale nucléaire ne rejette que de la vapeur d'eau. Dans certains cas, elle perturbe parfois un peu l'écosystème ambiant en puisant dans une rivière pour son système de refroidissement, en augmantant ainsi la température. Mais que l'on compare cela aux destructions intégrales d'écosystèmes provoquées par les grands barrages hydrauliques. Elle occasionne une pollution visuelle mineure: ce n'est pas laid, une centrale nucléaire. Combien de paysages ont été défigurés par ces moulins à vent et à fric que sont les éoliennes!

Le problème du retraitement des déchets est réel mais on constate que, depuis trente ans, il s'effectue de mieux en mieux avec les progrès de la science et de l'industrie. La solution du problème est donc, non pas un arrêt du nucléaire, qui nous fera rester au point mort avec des déchets dont nous ne saurons que faire, mais une augmentation des investissements dans la recherche et l'industrie nucléaire, qui nous a déjà permis et nous permettra d'autant plus à l'avenir de trouver des solutions innovantes. On se souvient du réacteur « Super-Phénix », qui fut fermé à cause de gesticulations écologistes (et de la faiblesse du gouvernement), alors même que sa spécificité était de recycler ses déchets comme combustible, et d'être donc plus écologique.

Dans ce contexte, quels sont les enjeux du nucléaire à l'échelle mondiale?

Le vrai problème de la pollution à l'échelle planétaire, ce n'est pas, comme le beuglent les éoclogistes, les méchants États-Unis qui n'ont pas signé le Traité de Kyoto, mais les pays en développement, notamment la Chine, dont les besoins pantagrueliques en énergie sont bien connus, et qui possède les premières ressources du monde en charbon, la source d'énergie la plus polluante, à laquelle elle sera de plus en plus incitée de recourir, car le pétrole est de plus en plus cher, et le charbon si peu.

C'est là le vrai problème du nucléaire. Quand on l'a, c'est une source très peu chère. Mais pour s'en équiper, il faut d'énormes investissements que ne sauraient consentir des pays comme l'Inde ou la Chine pour des raisons économiques, alors même qu'ils sont ceux qui devraient s'en équiper en priorité pour des raisons écologiques.

C'est pourquoi je réitère (ré-ITER?) ma proposition d'une initiative internationale, à travers la Banque mondiale, la BERD ou un organisme nouveau, pour financer les investissements dans le nucléaire dans les grands pays en développement, et aussi, pourquoi pas, la recherche dans la pollution et les autres sources renouvelables. Ces pays ont des problèmes particuliers pour investir, mais cela pose des problèmes d'intérêt général: il faut donc que la communauté internationale, animal discret s'il en fut, y apporte une solution commune.

Cela aurait un nombre d'avantages :
  • Baisser la barre d'entrée dans le club des nations nucléaires, ce qui serait le mieux pour l'environnement et l'économie,
  • Garantir les critères de sécurité occidentaux dans les centrales nucléaires de par le monde, afin d'éviter un nouveau Tchernobyl,
  • Faire rentrer, par l'incitation que représenterait les retombées économiques d'un tel programme, les pays qui serait tentés par une autre voie dans celle du nucléaire exclusivement civil.

Voilà ma proposition. Bien entendu, elle serait très difficile à mettre en oeuvre: il faudrait obtenir la collaboration de la plupart des pays occidentaux, et qu'ils mettent la main à la poche encore. Les pays ciblés par un tel programme ne se laisseraient convaincre que si l'investissement était à la hauteur de leurs besoins, c'est à dire pharaonique.

M. Blair, voilà quelque chose dont vous pourrez convaincre vos collègues lors du prochain sommet du G8. Quelque chose qui fait moins bien dans les média que la réduction de la dette, mais qui servira mieux l'environnement et le développement du Tiers monde.

23 janvier 2006

Evo Morales, la suite

Juste un petit commentaire à propos du battage médiatique autour d'Evo Morales: après avoir eu droit aux reportages sur toutes les chaînes sur sa candidature, puis son élection, on a maintenant droit à la symphonie autour de sa prestation de serment. Certes, c'est le premier indien démocratiquement élu à la tête d'un État américain.

Toutefois, je me permettrai de douter qu'on aurait eu droit à ce niveau de couverture médiatique, et à ce ton élogieux s'il ne s'était agi d'un homme de gauche, et de la gauche de la gauche...

Le troisième tour

On aime bien les troisièmes tours... Certains avaient dit, au lendemain des élections présidentielles de 2002, que si le Gouvernement refusait de faire les réformes qui s'imposent, comme il l'a refusé en 1986, en 1993 et en 1995, il y aurait un troisième tour dans la rue. Il s'est avéré que ce troisième tour a eu lieu le 29 mai dernier.

Quoi qu'il en soit, on se retrouve aujourd'hui avec une perspective assez effrayante pour 2007: la multiplication des candidatures, des deux côtés du spectre politique, met le second tour à la portée de tout le monde, notamment d'un candidat extrême et d'un candidat républicain pioché au hasard (ou même de deux candidats extrêmes). Et bien entendu, notre démocratie déjà proche de l'asphyxie en pâtirait sérieusement.

On donc a une situation paradoxale où le premier tour n'est pas assez accessible, avec des candidats qui représentent une large proportion de l'électorat mais ont du mal à recueillir les parrainages nécessaires, et où le second tour l'est trop du fait de la division du vote.

Alors, pourquoi ne pas faire une élection présidentielle à trois tours?

Il s'agirait d'un côté de baisser les conditions d'accès au premier tour, sur la base d'un parrainage par quelques milliers de personnes privées, et de l'autre de ne permettre qu'à ceux qui acceuillent un nombre important de suffrages (10% semble un bon chiffre) d'accéder au second tour, et enfin avoir un dernier tour entre les deux premiers candidats.

Ce premier tour élargi permettrait à toutes les tendances, y compris celles peu insérées dans le débat politique normal (associations, nouveaux partis, etc.), d'apporter leur voix au débat public sur la scène nationale. Le second tour permettrait à certains partis d'organiser leurs primaires au niveau de l'Etat, et d'y retrouver un ou deux candidats extrêmes, et deux ou trois candidats de partis de gouvernement.

Et, enfin, le troisième tour serait ce duel entre les hommes et les courants d'idées dont nous sommes friands, et dont nous avons été privés en 2002.

22 janvier 2006

Pétition contre l'homoparentalité

Je vous invite à inviter vos parlementaires (sachant que, représentants de la Nation entière, tous nos parlementaires sont vos parlementaires) à signer la pétition contre l'homoparentalité, déjà signée par quelques centaines de parlementaires.

En effet, la question posée est bien plus cruciale que celle de l'homoparentalité ou même de l'homosexualité: c'est celle du « droit à l'enfant ». Existe-t-il un droit à l'enfant? C'est-à-dire, l'enfant est-il un être à part entière, avec sa propre dignité et ses propres droits, ou n'est-il que la réalisation d'un désir de la part d'autres personnes, comme un jouet?

Ce qui importe pour un enfant, c'est son intérêt, pas le désir (certes compréhensible) ou la volonté que peuvent avoir des gens d'avoir un enfant. Il n'y a pas, et il ne saurait y avoir, de droit à l'enfant.

20 janvier 2006

Tolérance du terrorisme

La presse fait en ce moment grand cas de la dernière manifestation d'Oussama Ben Laden, chef du réseau terroriste international Al Qaida, qui a envoyé une cassette audio à Al Jazeera, la principale chaîne d'information arabe, promettant notamment de nouveaux attentats. (Le Figaro, Les Echos)

Comme on l'entend toujours, dans cette cassette, il fait également au peuple américain une offre de trève. Bien entendu, cette prétendue offre n'en est pas une. Les terroristes sont incapables de compromis, surtout celui-là. C'est simplement un coup vieux comme le monde, se donner le beau rôle en prétendant vouloir se réconcilier et en laissant à ceux qui sont bien obligés (politiquement et moralement) de refuser cette offre se montrer bellicistes. Cette opération de relations publiques recouvre bien l'essence du terrorisme: manipuler l'opinion publique à des fins politiques. Le problème, c'est lorsque les médias se font les complices de ce jeu.

Ont-ils fait leur devoir en expliquant le contexte de cette fausse offre? Bien sûr que non!

En se faisant l'écho servile de cette tentative de Ben Laden, ils ne font pas que mal faire leur boulot, comme si souvent. Ici, c'est moralement vil, et politiquement potentiellement catastrophique: on l'a par exemple vu lors des dernières élections en Espagne.

Lorsqu'il se laissent manipuler par Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy, c'est triste, mais pas très grave. Lorsqu'ils se laissent manipuler par Oussama Ben Laden, ça fait peur.

Michael Yon

Je vous avais déjà signalé le blog de Michael Yon, reporter américain en Irak, qui rend compte de la guerre depuis la ligne de front, et retranscrit les évènements dans leur crudité par Internet. Je vous avais dit que c'était ça, le grand reportage de demain, libéré des contraintes institutionnelles et matérielles de la presse traditionnelle.

Il vient de se séparer du format blog pour ouvrir un site Internet complet, le Michael Yon Online Magazine. C'est l'avenir. C'est admirable sur tous les points. Allez-y voir.

19 janvier 2006

Attentat suicide à Tel Aviv

Un attentat suicide à Tel Aviv a blessé 14 personnes. (Libération, L'Express)

C'est le premier de l'année ; le dernier était le 5 décembre, il y a donc plus d'un mois. C'est énorme. Mais, en même temps, c'est si peu par rapport à d'autres époques. Ce que les articles oublient de préciser, c'est que c'est grâce au mur. Ce « nouveau Mur de Berlin », cette « abomination » sauve des vies jour après jour, et garantit la paix au Moyen Orient.

Encore une raison de se méfier de nos médias si complaisants pour les causes qui leur tiennent à coeur. Encore une raison de se souvenir d'Ariel Sharon.

De qui se moque-t-on?

Jacques Chirac a agité l'épouvantail nucléaire. (Libération, Nouvel Observateur) Lors d'un discours il a déclaré que des frappes contre des Etats qui mettaient en jeu les intérêts vitaux de la France ou de ses alliés (sous-entendu: l'Iran) pouvaient être conventionnelles ou d'une autre nature (sous-entendu: nucléaires).

En temps normal, je suis toujours content d'un peu de fermeté sur la scène internationale, surtout lorsque l'avenir semble appartenir à un Nicolas Sarkozy atlantiste qui regarde notre force de frappe nucléaire avec mépris et qui ne rêve que d'envoyer nos troupes de par le monde aux ordres des US.

Mais qui M. Chirac croit-il tromper? Lui qui a plié face à la CGT, qui s'est fait il y a quelques mois le garçon de commission des cafetiers qui voulaient une baisse de TVA, allant quémander pour leur compte à travers l'Europe, lui dont la vie politique est une longue suite de capitulations, il aurait le courage inédit d'appuyer sur le Gros Bouton Rouge™ pour empêcher l'Iran d'acquérir la Bombe? Soyons sérieux. Le chef de l'Etat est une chiffe molle, alors qu'il ne vienne pas nous parler de frappes nucléaires.

Bien entendu, politiquement, c'est malin. Il se replace dans son rôle de président de la République, défenseur des intérêts vitaux de la France, là où MM. Sarkozy et de Villepin ne peuvent le rejoindre. Et puis, lui qui fait plus rigoler qu'autre chose, il fait un peu sursauter tout le monde en agitant le spectre nucléaire. Mais pour ma part je pense qu'il ne fait que se décrédibiliser et, surtout, à travers ses gesticulations, il décrédibilise la France.

16 janvier 2006

MLK Day

Aux États-Unis, ce jour d'hui est la fête du Dr. Martin Luther King, Jr. Les écoles et les bâtiments publics sont fermés. Il y aura probablement un documentaire sur la seule chaîne publique, PBS, que personne ne va regarder.

En France, nos jours de congés ne représentent pas grand'chose. Jean-Pierre Raffarin avait voulu que, pour un an, le lundi de Pentecôte symbolise la solidarité entre les français, et elle a en réalité symbolisé la faiblesse du Gouvernement.

Parfois, lors d'un accès de politiquement correct, on propose d'adjoindre à nos fêtes religieuses chrétiennes des fêtes juives et musulmanes. Je propose autre chose: qu'on supprime les fêtes religieuses, et qu'on les remplace par des fêtes nationales. La libération de Paris. Le sacre de Charles VII.

La France est en mal de lien social. Elle est en mal de choses que tous les français aient en commun. Ce n'est plus l'impôt, puisque les foyers modestes ne le paient pas (du moins directement). Ce n'est plus le service militaire, puisqu'il n'existe pas. Depuis un certain nombre d'années, cette chose n'est plus la religion.

Mais l'histoire, pourquoi pas. Ces fameux lieux de mémoire. Immigrés ou pas, quand nous sommes français, nos ancêtres sont les gaulois, toujours. L'histoire est un point de départ comme un autre pour cette renaissance d'une solidarité républicaine qui ne soit pas obtenue à coups de fisc mais qui soit l'expression d'une vrai communio utilitatis, comme disait Cicéron, de l'idée qu'on est tous ensemble dans le même bateau, et qu'on avance ensemble dans le même but.

Enfin, c'est un doux rêve...

En parlant de rêve, tiens, allez lire le discours de MLK. Ça c'est un lieu de mémoire. National, mais aussi universel. La France et les États-Unis ont ça en commun.

15 janvier 2006

Euthatha, euthatha, eutha-nazi!

L'économie a cela de commun avec le droit que c'est une transposition de la vie sur un plan abstrait. Dans l'un, les relations entre les gens deviennent des relations entre des « personnes », et dans l'autre entre des « acteurs ». Et donc, en étudiant l'un comme l'autre, on peut en apprendre beaucoup sur la vie.

Ainsi, on put observer il y a quelques années un phénomène juridique avec des conséquences économiques très étranges. Au moment de la légalisation de l'euthanasie aux Pays-Bas, les prix de l'immobilier dans le Sud-Ouest et le Centre de la France se sont envolés. Etrange correlation... L'explication est pourtant simple: dès le passage de cette loi, les vieux néerlandais (ou en tout cas ceux qui en avaient les moyens, dives fortuna juvat) sont partis se réfugier en France, de peur que leurs enfants ne les fassent piquer au premier métastase.

Le débat sur l'euthanasie est aujourd'hui relancé. Ces personnes âgées devront-elles à nouveau s'exiler ailleurs? J'éspère que non. Je ne me prononcerai pas aujourd'hui sur le fond de la question. Si ça vous intéresse vous pouvez lire mes articles sur L'Euthanasie au cinéma, et surtout Qui a tué la mort?, sur l'obsession malsaine de notre société pour la mort.

Je tiens avant tout à exprimer mon dégoût face à la manière dont la question est traitée, et un appel à un véritable lobbying de droite sur les « questions de société », car on assiste à un phénomène que l'on voit à chaque fois qu'une d'elles arrive sur la table: une désinformation médiatique et un lobbying politique actif de l'extrême gauche.

Regardez la télé, lisez un journal. La presse est unanime. Tout le monde est d'accord. C'est un peu une redite du débat sur le référendum.

Quelle fut la réaction d'iTélé au moment de la nomination d'Ehud Olmert à la tête du gouvernement israélien? Un reportage sur ce qu'en pensent les palestiniens. Ce qu'en pensent les israéliens, le contexte politique du pays, on s'en fout. Ce qui compte c'est le micro-trottoir à Gaza (ou plutôt en Cisjordanie, parce que Gaza c'est dangereux en ce moment, faudrait pas prendre de risques). Et ça passe. Personne ne s'étonne de n'avoir qu'un point de vue.

On sent la désinformation lorsque la question principale est traitée sous forme de postulat: chaque journaliste ne pose pas la question de si il faut légaliser l'euthanasie, mais de comment. Enfin, mon cher! C'est évident qu'il faut le droit à la dignité.

C'est là l'autre signe de la désinformation: les journalistes utilisent le vocabulaire d'un côté. C'est ce qu'on appelle la logomachie, le combat avec des mots. Ce n'est plus l'euthanasie, c'est le droit de mourir dans la dignité. Ce n'est plus un droit du travail absurde, c'est un modèle social(iste).

Comme d'habitude, le débat est entre la gauche et l'extrême gauche, entre les Kouchner et les Pocrain. Je n'ai encore vu parler aucun philosophe, même de gauche, aucun évêque, même de gauche, ni aucun membre d'association contre l'euthanasie. Même de gauche. On entendra beaucoup parler l'ADMD, par leur bouche ou par celle d'autres, mais on ne saura pas que JALMALV existe.

Ça fait penser aux procès soviétiques: on connaît déjà le résultat, mais on se sent quand même obligé d'en passer par cette parodie de justice, cette parodie de débat, pour se donner l'illusion collective qu'on reste dans une société démocratique. C'est tout simplement dégueulasse.

Ce sont ces questions de morale et de vie qui font la vraie noblesse du politique, pas de choisir entre TVA sociale et dividende universel. C'est ça, les vrais enjeux. Les valeurs qu'une société se donne, c'est ça qui déterminera comment nous vivrons au XXIème siècle, c'est ça qui déterminera notre vie morale collective. C'est ça qui est vital, dans tous les sens du terme.

Et, à chaque fois, l'extrême gauche subtilise le débat démocratique pour le remplacer par une pantomime. A travers la désinformation, il déplace le débat dans les cadres qu'il choisit, truque le jeu, fait des journalistes le juge et les parties, fait du lobbying politique actif, et pousse ainsi des politiques lâches à leur donner raison. Contrairement à des avantages fiscaux pour les cafetiers, ça coûte rien une loi « sociétale ». Donc c'est pas grave.

Non.

C'est le plus grave. Et c'est là que la « droite », dans le sens le plus large du terme, en réalité les humanistes, car cette question transcende (ou devrait transcender) les clivages politiques, pêche le plus. Elle ne se bat pas. Elle lâche du lest. Il faut enfin un véritable effort de propagande, de lobbying, de logomachie de notre côté, ne serait-ce que pour assurer l'égalité des armes.

C'est là-dessus que se joue le monde qu'habiteront et la vie que vivront nos enfants.

14 janvier 2006

Jacques Faizant est mort

C'est triste. (Nouvel Observateur, L'Express) En tous les cas, on s'occupe déjà de le remplacer. Serge Dassault avait lancé un appel d'offres, auquel avaient répondu les dessinateurs de Charlie.

Je me souviens encore quand j'étais petit, que je lisais ce grand Figaro, et que je devais demander à mes parents de m'expliquer qui était qui. Le Bebete Show et Jacques Faizant on fait de moi un mordu de politique.

L'Iran l'Iran l'Iran...

Le ton monte entre l'Occident et l'Iran... Je ne bouge pas de mon analyse de l'année dernière au sujet de ce conflit en gestation.

Il y a des missiles qui se perdent. La seule chose qu'on a envie de dire, c'est: inch'Allah...

13 janvier 2006

Messieurs...

En rentrant chez moi, voilà ce que je trouve sur le pare-brise d'une camionette blanche, à côté d'une somme de PV:

Messieurs les "Pose PV"
Vous êtes des incompétents.
Vous mettez des PV à ce camion qui n'a pas bougé depuis Octobre... Vous feriez mieux de chercher le propriétaire.
Il faut être physionomiste avant d'être robot.

J'adore.

La Constitution selon Sarkozy

Pour moi qui viens de me proclamer son féal, je lui tape beaucoup dessus aujourd'hui... Enfin!

Le sujet que j'ai choisi d'aborder est celui des réformes constitutionnelles que Nicolas Sarkozy a préconisé lors de ses voeux à la presse. Je suis parfaitement d'accord avec cet entretien avec le constitutionnaliste Guy Carcassonne pour TF1.

La grande force de notre Constitution est sa flexibilité, la somme de « virtualités opposées » (Georges Vedel) qui y sont contenues. Certains se plaignent de l'équivoque entre un président « arbitre » (art. 5) et un Gouvernement qui « détermine et conduit la politique de la Nation » (art. 20), mais cette prétendue équivoque est justement une source de liberté: chaque couple exécutif peut ainsi s'agencer selon les personnalités qui les occupent.

La fonction présidentielle

M. Sarkozy veut revaloriser la fonction présidentielle, et c'est tout à son honneur, mais la vraie portée du rôle du président, ne lui était-elle pas conférée par ce mandat de sept ans, qui lui donnait une hauteur et une distance confortable face aux préoccupations électoralistes? Le quinquennat, au sujet duquel il n'y a jamais eu de véritable réflexion, proposé pour des raisons d'opportunité politiques et accepté par peur de la cohabitation (qu'il ne prévient pourtant pas), a très fortement modifié l'équilibre de nos institutions.

Il faudrait donc avant tout faire revenir le septennat. On ne saurait faire passer par le Congrès ce que le peuple refusa, et, afin de faire passer le septennat par référendum, il faudrait donc l'accompagner de certaines garanties.

Permettre à une assemblée nouvellement élue de censurer le président de la République en cas de désaveu populaire, et soumettre les projets de référendum au Conseil constitutionnel afin de déterminer s'ils sont essentiels à la politique du président, auquel cas un refus populaire serait automatiquement accompagné d'une démission.

Ou tout simplement, ce qui d'un point de vue juridique serait préférable mais peut être guère viable en tant que projet référendaire, qualifier expressément de fraude à la Constitution le fait pour un président de se maintenir malgré un désaveu, et de faire rentrer explicitement cette fraude dans la qualification de haute trahison pour laquelle un président peut être mis en procès.

Ainsi, le président désavoué qui refuserait de démissionner serait sujet à impeachment. Il faudrait signaler au passage que cela est d'ailleurs déjà possible aujourd'hui, mais n'a jamais été fait pour cause de manque de courage politique. Si Jacques Chirac avait fait passer François Mitterrand en Haute cour après son refus de signer les ordonnances en 1986, ça aurait fait jurisprudence, et la Vème République s'en porterait bien mieux.

On pourrait aussi et surtout imaginer la possibilité d'un recall, référendum ouvert par pétition des citoyens, qui permet d'ouvrir des présidentielles anticipées. Ainsi, tout comme le Gouvernement est sujet à motion de censure parlementaire, le président de la République serait sujet à motion de censure populaire.

Toutes ces pistes rejoignent la même idée, qui est l'idée centrale de la Constitution de la Vème République, même si je ne la vois guère évoquée par d'autres que moi.

On dit souvent que le président y est irresponsable. C'est une dérive! En fait, le président est responsable, mais uniquement devant le peuple. Dans la Constitution, chaque organe est responsable devant l'organe dont il est issu: le Gouvernement est issu du Parlement, il est donc responsable devant lui. Le président est issu du peuple: il est donc responsable devant lui. Les autres interprétations sont de véritables dérives, car elles touchent au coeur de l'esprit, et pas simplement à ces virtualités et à cette flexibilité que j'évoquais.

C'est au moment où nous oubliâmes cet esprit de double responsabilité que commença l'asphyxie institutionnelle que nous vivons aujourd'hui et qui fait tant parler d'une VIème République.

Le pouvoir législatif

Face à un président fort, il faut un Parlement fort.

D'abord redéfinir les missions du Sénat, conçu à l'époque d'une France rurale et coloniale pour représenter les notables de Province et les peuples d'Outre-mer. Peut-être le faire élire au scrutin proportionnel, afin de donner leurs parlementaires au FN et à la LCR sans mettre en danger la majorité de gouvernement requise à la chambre basse, comme le propose ce prétentieux d'Olivier Duhamel? Plutôt, les faire élire au suffrage universel direct au niveau régional et leur donner de vrais pouvoirs, afin d'en faire une chambre haute puissante et aristocratique, contrepoids pondérateur des soubresauts de la chambre basse, à l'image du Sénat américain.

Ensuite et surtout, abolir toutes ces petites règles, techniques, ennuyeuses mais qui, accumulées, sont en fait comme autant de rêts qui lient absolument les parlementaires et les rendent complètement soumis au fiat du pouvoir exécutif: contrôle de l'ordre du jour par le Gouvernement, irrecevabilité financière de l'art. 40, vote bloqué de l'art. 44, limite de six mois aux travaux des commissions d'enquête, sans parler de la fameuse question de confiance du « 49-3 », etc.

Toutes ces mesures trouvent leur justification dans l'histoire des IIIème et IVème républiques, mais l'histoire avance souvent de manière dialectique, et il suffit de parler plus de deux minutes à un parlementaire pour se rendre compte que nous sommes tombés d'un excès dans l'autre.

M. Sarkozy veut donner un droit de regard au Parlement sur les nominations de fonctionnaires. Est-ce bon? Le diable est dans les détails. Si c'est un spoils system à l'américaine, qui introduit enfin de la transparence et de l'honnêteté dans ces nominations de copains en Conseil des ministres, qui passent de telle administration à telle entreprise publique à tel comité de surveillance de l'élevage des boeufs mérinos dans le Larzac au gré des alternances politiques, très bien. Cela pourrait toutefois accentuer la politisation de l'amdinistration, ce qui ne serait pas bon. Tout ça dépend des modalités d'application.

Il veut également une équipe gouvernementale réduite, d'une quinzaine de ministres, à l'américaine, et il a raison. J'avais fait une proposition plus audacieuse, que chaque ministère soit créé par la loi, limitant ainsi leur nombre aux « grands » (éducation nationale, défense, etc.), et évitant ainsi ces ministres-mobylettes qui ne servent à rien et ne dirigent rien, délégués à l'égalité des chances, à la parité, aux droits des minorités, à l'environnement, à la cuisine, au cagibi et au placard a balais. Surtout, la Constitution prévoirait également à chaque ministère une commission permanente équivalente dans les chambres, ce qui éviterait la dérive des IIIème et IVème républiques dont les commissions pléthoriques sapaient l'action gouvernementale, tout en assurant un vrai contrôle parlementaire sur le pouvoir exécutif, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Bref, bilan plutôt négatif pour toutes ces réformes proposées par M. Sarkozy, encore que ça soit mieux que du Montebourg. Je suis surtout déçu qu'il aille s'aventurer sur ce terrain. C'était tout à son avantage, à la fois pour la forme et pour le fond, qu'il délaisse ces questions un peu stratosphériques pour se concentrer sur les vrais problèmes, les primordiaux, le chômage, la réforme de l'Etat, la fiscalité. Je suppose qu'il aura voulu se donner une stature plus présidentielle en abordant ces questions institutionnelles, mais je trouve qu'en fait il se rabaisse au niveau d'un Bayrou en se mettant à la queue leu leu et en proposant à son tour ses petites idées constitutionnelles.

Quand il faisait campagne pour le oui, il s'ingéniait pourtant à expliquer à qui voulait l'entendre qu'une Constitution est un cadre, indépendante des aspirations partisanes de ceux qui s'en servent. Qu'il retienne ses propres leçons.

La rencontre entre Sarkozy et le peuple

Certes, l'élection présidentielle n'est pas la rencontre entre un homme et un peuple, phrase idiote qu'on a ressorti un jour des élucubrations des romantiques allemands du XIXème siècle pour s'en servir comme instrument contre Nicolas Sarkozy.

Celui-ci l'a d'ailleurs montré. Il souhaite en effet, comme on l'a trop craint, faire passer en douce par le Parlement des rondelles de Constitution européenne. (Nouvel Observateur) C'est scandaleux!

Quoi qu'on pense de ce Traité, il est aberrant que dans une République où la souveraineté nationale appartient au peuple (art. 3 de notre Constitution à nous), on puisse aller contre sa volonté clairement exprimée. Certes, ce serait bien si l'Union européenne avait une présidence qui dure plus longtemps et nommée de manière plus rationnelle (c'était bien le seul avantage du Traité), mais le peuple français a dit non.

Alors, vivons-nous dans une démocratie, ou dans une aristocratie?

M. Sarkozy est un homme pragmatique avant tout. Les gouvernements nationaux, en particulier de France et des Pays-Bas, recoivent énormément de pression en ce moment de Bruxelles pour faire passer ce traiter en douce. Il ne fait probablement que lâcher du lest.

Mais s'il se retrouve à l'Elysée en 2007, il faudra qu'il prenne plus d'assurance! Si ce n'est pour tenir la dragée haute à la Commission européenne, au moins à la CGT...

12 janvier 2006

Pinochet relâché

L'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet n'est plus en résidence surveillée et est donc maintenant libre de ses mouvements.

L'occasion pour moi de rappeler quelques faits à propos du Chili, que l'on entend pas assez souvent:
  1. Salvador Allende, le président socialiste évincé par M. Pinochet avec l'aide des Etats-Unis, n'a pas seulement été évincé parce qu'il était socialiste, mais bien parce que c'était un agent de l'Union soviétique, que le KGB fournissait en devises et en maîtresses, ce qu'une certaine gauche bien pensante a toujours démenti mais est maintenant avéré depuis l'ouverture des archives soviétiques. L'hagiographie dont cet homme, coupable de trahison envers son pays, a néanmoins fait l'objet est donc fort peu justifiée.
  2. La dictature de M. Pinochet, avec la torture des prisonniers politiques, la répression de l'opposition, etc. était certes horrible, mais je tiens malgré cela à signaler le clair rapport de cause à effet entre sa politique économique très libérale, et le fait que le Chili est le seul pays d'Amérique du Sud qui a été en croissance constante depuis dix ans, et aujourd'hui le seul dont le revenu par habitant est équivalent à celui d'un pays développé.
Hasards du calendriers, les élections en Amérique du Sud se bousculent cette année. Hugo Chavez, Luiz Ignacio Lula da Silva, Michèle Bachelet, Evo Morales...

Le continent est entrain d'être submergé par une vague rose-rouge (et plutôt rouge que rose), ce qui est, au bas mot, une tragédie. Ce continent est plein de contradictions, très sous-développé par endroits, mais a en même temps un énorme potentiel de richesse.

Ce dont il a besoin pour assurer son développement, c'est avant tout d'un thatcherisme bien senti, qu'on en « libère les énergies », comme le veut l'expression. Les résultats ont été formidables au Chili. Et c'est désastreux que le continent, qui n'a vraiment pas besoin de ça en ce moment, tombe sous le charme démagogique de l'effet Chavez.

10 janvier 2006

Et si c'était elle...

Pour mémoire, alors que tout le monde s'extasie de la longueur de tête que prend Ségolène Royal dans les sondages, je tiens à signaler que il y a deux ans, avant même sa victoire aux régionales, je disais déjà à qui voulait m'entendre qu'elle serait le meilleur candidat PS, et qu'on me répondait en général avec un sourire condescendant.

Comme quoi j'ai pas toujours tort.

09 janvier 2006

Priez pour Sharon

Ariel Sharon, premier ministre israélien, sort péniblement de son coma après une grave attaque cérébrale qui, selon toute vraissemblance, laissera trop de séquelles pour qu'il exerce à nouveau le pouvoir. (Libération, Le Figaro)

Cet homme aura été la meilleure chance d'Israël depuis bien longtemps. Héro de guerre et un des plus grands généraux du XXème siècle, il aura refondé la politique intérieure d'Israël sur des bases saines, par deux fois, en imposant des partis larges et rassembleurs sur la scène si fragmentée des élections israéliennes, d'abord le Likoud dans les années 70 puis, après l'anémie de ceux-ci, Kadima en 2005. Bref, un lion.

Et bien sûr, surtout, sa grande oeuvre aura été la politique de retrait unilatéral, qualifiée partout de ce mot aimé des journalistes, pragmatique. Elle est surtout la première véritable chance de paix au Moyen-Orient, car elle laisse toutes les cartes à un Israël qui voudrait d'un État palestinien, mais d'un État palestinien sous contrôle israélien, donc (n'en déplaise à Leila Chahid) un État palestinien plus sûr pour tout le monde.

Malgré la chute de son chef, fondateur et père, Kadima continue à grimper dans les sondages. Mais sera-t-il abattu par les luttes intestines pour le pouvoir? Ehud Olmert, ancien maire de Jerusalem et premier ministre par intérim, a les capacités, mais il est peu populaire, notamment à cause de scandales de corruption lié à des emplois fictifs dans sa ville (comme quoi, l'histoire ne se répète jamais mais elle rime parfois, comme disait l'autre). Tzipi Livni, le ministre de la justice, me plaît bien parce qu'apparemment elle est issue de l'aile conservatrice du Likoud, et que c'est une femme de poigne, mais elle a peu de poids politique. Shimon Peres, ancien premier ministre et transfuge du parti travailliste après en avoir perdu la tête, a la légitimité d'homme d'État, mais la fâcheuse habitude de se perdre ses élections.

Quel que soit le vainqueur, s'il y en a un, aura-t-il l'envergure et le poids (au sens figuré) de M. Sharon? Malheureusement pour Israël et le Moyen-Orient, c'est douteux.

Je ne suis pas médecin, et de toute manière les informations qui filtrent sur l'état de M. Sharon sont très parcellaires, mais j'espère, peut être contre toute raison, que M. Sharon, à l'image d'un Jean-Paul II, même diminué, même paralysé, même ne pouvant plus parler, poussera la volonté invincible qui l'a toujours amené à la victoire au long de sa vie à garder la barre de son pays, et à maintenir ses responsabilités.

En tous les cas, je prie pour lui.

Les néo-pétainistes

Dorénavant, lorsque vous chercherez à décrire, par exemple, José Bové, ou encore le président de la République, ne dites plus alter-mondialiste, dites néo-pétainiste. En effet, il est impossible de ne pas remarquer les traits saillants que ce mouvement a en commun avec celui de la révolution nationale du maréchal Pétain. Parmi lesquels...

Le refus de la modernité et le retour à la nature

C'est le point commun le plus évident. Tout comme le maréchal Pétain, les alter-mondialistes voient la modernité comme un phénomène qui dénature l'homme. La logique de marché, la consommation de masse, la compétition économique, tout cela est vécu comme une aliénation intolérable. La solution? Faire abstraction de la modernité et revenir aux « vraies valeurs », c'est-à-dire la terre, la nature.

Ainsi on peut voir un groupe comme Tryo chanter un « Hymne de nos campagnes » avec un refrain qui ne trompe pas: « C'est l'hymne de nos campagnes/De nos rivières, de nos montagnes/De la vie man, du monde animal ». A part le « man », 2006 oblige, cet appel à la vie champêtre aurait pu être écrit en 1942.

Il s'agit avant tout de se rebeller contre l'esprit des Lumières qui fait de l'homme, et donc de sa liberté, la norme principale. Dans le pétainisme c'est la race qui importe et dans le néo-pétainisme c'est la nature, mais le principe reste le même: on fantasme une « Nature » ou une « Race » qui n'a guère de rapport avec ce qu'est la nature ou la race dans les faits, dont l'homme est issu, à qui il doit tout, mais qu'il trahit en faisant exercice de sa liberté. L'homme doit donc abandonner sa liberté au profit de cette Mère nourricière, et défendre sa race, défendre la nature contre cette modernité envahissante, qui nous fait perdre nos repaires, qui risque de la détruire ou de lui faire perdre son sens ancestral.

Ce refus de la modernité se fait aussi de pair avec un refus du christianisme qu'il importe de signaler. Le christianisme, en tant que religion du Dieu qui se fait homme pour l'homme, est évidemment incompatible avec une idéologie qui voit l'homme libre comme une menace pour son environnement. Si le nazisme se référait à un paganisme pseudo-wagnérien et la révolution nationale à la francisque, c'est-à-dire l'arme des Francs d'avant le baptême de Clovis, le néo-pétainisme ressemble beaucoup à un animisme dans sa vénération des « forces de la nature », qui interprète facilement tsunamis et tremblements de terre comme une défense justifiée de la Nature contre l'homme qui l'agresse.

L'intention est en tous les cas la même: revenir à un avant-Jésus Christ, avant ce Dieu étrange qui, depuis le jardin d'Eden jusqu'à celui de Gethsémani, veut avant tout sauver l'homme de son pêché, avant ce Dieu qui se dit Verbe, logos dans les Évangiles, c'est à dire un Dieu qui, comme le signalait Jean-Paul II dans son encyclique Fides et ratio, est un Dieu de foi mais aussi un Dieu de raison, donc un Dieu moderne.

Le refus de l'autre et la xénophobie

En apparence, les néo-pétainistes sont plutôt xénophiles. Ne sont-ils pas les premiers à manifester pour la légalisation de la situation des sans-papiers? Certes, mais uniquement parce qu'ils sont vus comme des victimes de cette modernité qu'ils combattent. En réalité, le néo-pétainisme, tout comme son ancêtre de l'Occupation, génère automatiquement un repli sur soi.

On l'a bien vu au moment du sommet de l'OMC où ces prétendus défenseurs du Tiers-monde se trouvaient dans la difficile position de manifester en faveur de protections économiques qui défavorisent en premier lieu les agriculteurs du Tiers-monde, ceux pour lesquels des prêtres catholiques comme Max Havelaar agissent pour les sortir de leur dénuement. En fait l'étranger c'est l'américain, l'« anglo-saxon », le costume-cravate, le VRP de cette mondialisation qui, en tant que phénomène d'ouverture issu de la modernité, est évidemment néfaste.

Et, tout comme le premier pétainisme, le néo-pétainisme ne s'émeut guère de la mort d'innocents. Ils sont en effet fiers de leur combat acharné contre les OGM alors que justement ces cultures moins assoiffées et plus résistantes sont le meilleur espoir pour mettre fin à la famine dans les régions les plus pauvres d'Afrique.

Peu importe que le protectionnisme, le refus de l'ouverture au monde et à la modernité ne soient les causes du chômage et du mal-être français. Ce qui compte avant tout c'est l'idéologie, Mère nature, qu'il faut servir, quelques soient les conséquences.

On voit donc bien que, contrairement à ce qu'ils prétendent, les néo-pétainistes ne travaillent pas du tout pour le bien commun — valeur moderne et évangélique — mais bien uniquement pour eux, dans un repli identitaire, frileux et xénophobe. Refus de la modernité, refus de l'autre, voilà les traits communs entre l'« alter-mondialisme » et le pétainisme, qui en font un véritable néo-pétainisme.