Nihil Nove

15 janvier 2006

Euthatha, euthatha, eutha-nazi!

L'économie a cela de commun avec le droit que c'est une transposition de la vie sur un plan abstrait. Dans l'un, les relations entre les gens deviennent des relations entre des « personnes », et dans l'autre entre des « acteurs ». Et donc, en étudiant l'un comme l'autre, on peut en apprendre beaucoup sur la vie.

Ainsi, on put observer il y a quelques années un phénomène juridique avec des conséquences économiques très étranges. Au moment de la légalisation de l'euthanasie aux Pays-Bas, les prix de l'immobilier dans le Sud-Ouest et le Centre de la France se sont envolés. Etrange correlation... L'explication est pourtant simple: dès le passage de cette loi, les vieux néerlandais (ou en tout cas ceux qui en avaient les moyens, dives fortuna juvat) sont partis se réfugier en France, de peur que leurs enfants ne les fassent piquer au premier métastase.

Le débat sur l'euthanasie est aujourd'hui relancé. Ces personnes âgées devront-elles à nouveau s'exiler ailleurs? J'éspère que non. Je ne me prononcerai pas aujourd'hui sur le fond de la question. Si ça vous intéresse vous pouvez lire mes articles sur L'Euthanasie au cinéma, et surtout Qui a tué la mort?, sur l'obsession malsaine de notre société pour la mort.

Je tiens avant tout à exprimer mon dégoût face à la manière dont la question est traitée, et un appel à un véritable lobbying de droite sur les « questions de société », car on assiste à un phénomène que l'on voit à chaque fois qu'une d'elles arrive sur la table: une désinformation médiatique et un lobbying politique actif de l'extrême gauche.

Regardez la télé, lisez un journal. La presse est unanime. Tout le monde est d'accord. C'est un peu une redite du débat sur le référendum.

Quelle fut la réaction d'iTélé au moment de la nomination d'Ehud Olmert à la tête du gouvernement israélien? Un reportage sur ce qu'en pensent les palestiniens. Ce qu'en pensent les israéliens, le contexte politique du pays, on s'en fout. Ce qui compte c'est le micro-trottoir à Gaza (ou plutôt en Cisjordanie, parce que Gaza c'est dangereux en ce moment, faudrait pas prendre de risques). Et ça passe. Personne ne s'étonne de n'avoir qu'un point de vue.

On sent la désinformation lorsque la question principale est traitée sous forme de postulat: chaque journaliste ne pose pas la question de si il faut légaliser l'euthanasie, mais de comment. Enfin, mon cher! C'est évident qu'il faut le droit à la dignité.

C'est là l'autre signe de la désinformation: les journalistes utilisent le vocabulaire d'un côté. C'est ce qu'on appelle la logomachie, le combat avec des mots. Ce n'est plus l'euthanasie, c'est le droit de mourir dans la dignité. Ce n'est plus un droit du travail absurde, c'est un modèle social(iste).

Comme d'habitude, le débat est entre la gauche et l'extrême gauche, entre les Kouchner et les Pocrain. Je n'ai encore vu parler aucun philosophe, même de gauche, aucun évêque, même de gauche, ni aucun membre d'association contre l'euthanasie. Même de gauche. On entendra beaucoup parler l'ADMD, par leur bouche ou par celle d'autres, mais on ne saura pas que JALMALV existe.

Ça fait penser aux procès soviétiques: on connaît déjà le résultat, mais on se sent quand même obligé d'en passer par cette parodie de justice, cette parodie de débat, pour se donner l'illusion collective qu'on reste dans une société démocratique. C'est tout simplement dégueulasse.

Ce sont ces questions de morale et de vie qui font la vraie noblesse du politique, pas de choisir entre TVA sociale et dividende universel. C'est ça, les vrais enjeux. Les valeurs qu'une société se donne, c'est ça qui déterminera comment nous vivrons au XXIème siècle, c'est ça qui déterminera notre vie morale collective. C'est ça qui est vital, dans tous les sens du terme.

Et, à chaque fois, l'extrême gauche subtilise le débat démocratique pour le remplacer par une pantomime. A travers la désinformation, il déplace le débat dans les cadres qu'il choisit, truque le jeu, fait des journalistes le juge et les parties, fait du lobbying politique actif, et pousse ainsi des politiques lâches à leur donner raison. Contrairement à des avantages fiscaux pour les cafetiers, ça coûte rien une loi « sociétale ». Donc c'est pas grave.

Non.

C'est le plus grave. Et c'est là que la « droite », dans le sens le plus large du terme, en réalité les humanistes, car cette question transcende (ou devrait transcender) les clivages politiques, pêche le plus. Elle ne se bat pas. Elle lâche du lest. Il faut enfin un véritable effort de propagande, de lobbying, de logomachie de notre côté, ne serait-ce que pour assurer l'égalité des armes.

C'est là-dessus que se joue le monde qu'habiteront et la vie que vivront nos enfants.