Nihil Nove

12 novembre 2005

Apologie du libéralisme

On voudrait souvent que j'aie honte d'être un libéral. Pourtant, c'est un si beau mot! Et c'est une si belle pensée. Le libéralisme n'est pas seulement un courant de pensée économique, mais également politique et morale.

On pourrait le résumer par ce postulat: l'homme est fait pour être libre.

Ce postulat a des corollaires évidents. Transposé en politique, le postulat libéral devient: le but de l'État est de garantir le plus de liberté possible pour ses citoyens. Et en matière économique: l'efficacité d'un système économique est proportionelle à la liberté de ses acteurs. Bien entendu, la réalité est plus complexe, mais voilà la règle générale, étant entendu qu'elle peut souffrir des exceptions. Examinons ça de plus près.

Une éthique de la liberté

Si le libéralisme est une pensée de la liberté, il est bien évident qu'il faut éviter de mal comprendre ce concept, pour éviter de mal comprendre le libéralisme. La liberté bien comprise ne se résume pas à « il est interdit d'interdire ». Au contraire, ce sont des règles solides pour tous qui garantissent la liberté pour tous, ce qui explique mes nombreuses interventions pour défendre la loi, l'ordre et les moeurs publics, qui sont souvent si mal défendus en France par un État qui semble avoir oublié le premier mot de sa devise.

En effet, la liberté cesse d'être synonyme de permissivité lorsque l'on la raccroche à son pendant inévitable: la responsabilité. « Il est interdit d'interdire », c'est faire tout ce que je veux sans considérer les conséquences de mes actes, comme un adolescent. Lorsque je parlais précédemment des mesures du droit français qui fournissent une batterie de défenses au débiteur contre son créancier, je disais qu'elles étaient bonnes dans le principe pour des raisons de justice sociale (ce qui montre que je ne suis pas un ultra-libéral), mais me prononçais néanmoins en faveur d'une nette réduction de ces protections. Pas pour que les grosses, méchantes banques puissent presser les pauvres petits gentils débiteurs comme des oranges, mais parce que ça revient à dédouaner les gens des conséquences de leurs actions: lorsque l'on emprunte à intérêts, ce n'est pas de l'argent gratuit, c'est un engagement que l'on prend.

Si, comme les libéraux le postulent, l'homme est fait pour être libre, c'est donc qu'il doit exercer cette liberté, c'est à dire agir et assumer les conséquences de ses actions. Ainsi le libéralisme est une pensée de la responsabilité, mais aussi de l'engagement : autant de vertus morales.

Libéral et prosaïque

Mais, si le libéralisme est une pensée élevée de la liberté, elle cherche à l'accomplir par des moyens qui peuvent sembler cyniques.

En effet, le libéralisme politique sur lequel sont fondés tous les régimes démocratiques modernes, repose sur le principe du pouvoir qui arrête le pouvoir, afin qu'aucune autorité ne devienne trop puissante. Autrement dit, le libéralisme politique repose sur une présomption irréfragable de malhonnêteté de la part du prince, ce qui change pas mal du droit divin.

De même avec le libéralisme économique: c'est la pensée du fouet. Les économies libérales fonctionnent mieux que les autres parce que si les gens ne travaillent pas, ils sont fichus à la rue. Une économie libérale repose sur la peur de l'entrepreneur d'échouer et de devenir pauvre et sans-abri. Quelle cruauté! Quel cynisme de présumer de la veulerie et de la cupidité fondamentales de l'homme! Il y a là beaucoup moins de joliesse que dans la doctrine socialiste, qui repose sur une présomption de bienveillance universelle.

Et le pire, c'est que cette laideur sur laquelle repose le libéralisme semble être confirmée par les faits, puisque les régimes libéraux fonctionnent le mieux. Il y a en effet beaucoup plus de républiques saines que de déspotes bien éclairés, et j'éspère ne pas avoir besoin de m'étendre sur les mérites comparés des économies libérales et socialistes. C'est comme si le libéralisme mettait à jour notre nature profonde, celle de loups pour nous-mêmes. Sommes-nous donc aussi laids que l'histoire semble nous le montrer? Le but d'une organisation politique est-elle de manipuler cette laideur pour notre intérêt? Est-ce ça, le libéralisme? La belle maxime de la liberté pour la liberté, dépouillée de ses oripeaux attirants, devient-elle homo homini lupus?

Synthèse

Et pourtant, malgré tant de cruauté, le libéralisme repose sur la meilleure, la plus grande idée de vie: celle de la liberté. Le libéralisme nous appelle aux plus hautes sphères de l'être, celles où nous nous réalisons complètement à travers une action autonome et responsable. Le libéralisme allie ce qu'il y a de plus beau et de plus laid dans notre nature.

C'est pour ça que c'est ma doctrine préférée. Contrairement aux idéologies qui reposent sur une idée abstraite de l'homme, le libéralisme repose sur ce que l'homme est vraiment: le mélange du pire et du meilleur.