Nihil Nove

27 octobre 2005

Retrait de la nomination d'Harriet Miers

La nomination d'Harriet Miers à l'autre siège de la Cour suprême que George Bush, le président des Etats-Unis, a l'opportunité de remplir, fut retirée. Mme Miers cita pour prétexte un conflit à propos de documents secrets rédigés par Mme Miers que le Sénat, qui aurait dû se prononcer sur sa nomination, avait demandés.

En réalité, la nomination de Mme Miers n'était jamais passé auprès du camp conservateur de M. Bush, à un moment difficile de son mandat où il a besoin de leur appui. Celui-ci avait tenté de reproduire avec Mme Miers ce que j'ai appelé la stratégie « ninja », qui lui avait permis de mettre John Roberts à la tête du pouvoir judiciaire américain, et qui consiste en la nomination d'un candidat qui ne s'est jamais prononcé sur aucun domaine du droit constitutionnel, et donc n'oppose aucune prise à ceux qui voudraient pouvoir dénoncer la nomination d'un juge conservateur.

Toutefois, si le charme consummé de M. Roberts, qui médusa autant ses adversaires que ses soutiens, et surtout ses exceptionnelles qualifications de grand juriste constitutionnel lui avaient permis de passer « haut la main » son examen devant le Sénat, Mme Miers, avocat personnel de M. Bush, avait déclenché, en même temps que les accusations de copinage qui fusent de la gauche à chaque fois que la droite veut nommer quelqu'un quelque part, un tollé sur l'aile droite de M. Bush, qui voyait dans cette nomination une preuve de lâcheté et un camouflet.

En effet, depuis les années 1960 où la Cour suprême fut le fer de lance des réformes progressistes de la société américaine, les conservateurs ont été obsédés par cette institution, qu'ils voient comme un corps de philosophes-rois inamovibles qui ont bafoué leurs valeurs fondamentales de leur pays sans justification constitutionnelle valable.

Pendant des décennies les grands penseurs de l'« originalisme » constitutionnel, qui est au droit américain ce que le néo-conservatisme est à leur politique étrangère, et leurs soutiens de la puissante droite chrétienne américaine, ont attendu avec le couteau dans les dents qu'un président comme M. Bush ait la possibilité de changer l'orientation de la Cour.

Lorsque M. Bush essaya d'escamoter cette grande bataille pour l'orientation idéologique de l'Amérique qu'ils attendaient depuis une génération pour des motifs de politique politicienne, ils se sentirent trahis. Les membres influents de la majorité républicaine au Sénat, qui ont l'oreille près du sol à la veille d'une campagne qui s'annonce très juteuse pour la nomination républicaine en 2008, se sont donc fait les relais de cette colère et, au milieu d'une tempête d'attaques contre la Maison blanche, M. Bush jugea donc bon d'arrêter les frais et d'y remettre Mme Miers, au frais.

Les mêmes spéculations que les deux fois précédentes au sujet des candidats potentiels recommencent... Qu'il nomme un ultra-conservateur, qu'on rigole!