Nihil Nove

03 octobre 2005

Nouvelle nomination à la Cour suprême

M. Bush, le président des États-Unis, a nommé Harriet Miers, le White House Counsel, autrement dit l'avocat de la Maison blanche, au poste de Sandra Day O'Connor à la Cour suprême. (Le Monde)

Ce poste est clé car Mme O'Connor, une modérée, fut souvent le vote qui fit pencher la balance entre les ailes gauche et droite de la Cour: la nomination de Mme Miers, républicaine texane, pourrait changer l'orientation de cette institution qui juge en dernier recours sur les exceptions d'inconstitutionnalité des lois, et a donc une grande influence sur la vie publique du pays: c'est elle qui décide des restrictions sur l'avortement, la liberté d'expression, les droits de propriété, etc. L'accession de M. Roberts au poste de président de la Cour fut moins controversée, car il était inattaquable personnellement, et ne faisait que remplacer un autre conservateur au même poste. Pour cette nomination-ci, chaque côté affute d'autant plus ses couteaux qu'ils n'ont guère eu l'occasion de les utiliser pendant la nomination précédente.

Je ne sais que peu de choses sur Mme Miers, et j'ai un a priori plutôt favorable envers la première femme bâtonnier du barreau du Texas. Je sais aussi que Mme Miers est une femme (c'est fou ce qu'on apprend en lisant mon blog!), ce qui est à la fois bon et mauvais: je suis toujours content de voir des femmes accéder aux hautes positions, mais faire succéder une femme à une femme tendrait à entériner la coutume d'un quota de femmes (deux, pour l'instant) à la Cour suprême, comme il y en a un de noirs (un, pour l'instant), ce qui est triste et dangereux, mais malheureusement dans la mentalité américaine d'aujourd'hui.

Mme Miers doit maintenant être interrogée par la Commission judiciaire du Sénat, qui émettra un avis, avant un vote général de toute la chambre. Si Mme Miers obtient une majorité de oui, elle deviendra alors juge.

Je regrette toutefois que M. Bush n'a pas suivi mon conseil (on m'affirme pourtant qu'il suit Nihil Nove religieusement!) de nommer mon poulain Mary Ann Glendon, catholique, président de l'Académie pontificale des sciences sociales, professeur de droit constitutionnel comparé à Harvard, femme au coeur grand et bon.

Il aurait dû la nommer au poste de président — M. Reagan reçut des félicitations unanimes en nommant la première femme juge à la Cour suprême, et il se serait placé dans sa lignée en nommant la première femme président de cette même Cour —, où elle aurait fait merveille au travail de construction de consensus qui aurait été le sien, et nommer M. Roberts au poste de Mme O'Connor, ce qui aurait eu pour effet de montrer qu'il n'y avait pas de quota de femmes à la Cour (tout en maintenant ce quota avec la présence de Mme Glendon), et de désamorcer une large partie de la controverse sur la succession de Mme O'Connor grâce à la personnalité lisse et inscrutable de M. Roberts.

Enfin bon, c'est pas moi qui ai reçu la confiance de soixante-deux millions d'américains...

P.S. Petite leçon de français. L'adage selon lequel il n'y a pas de sexe sous la robe veut que les femmes qui exercent la profession d'avocat sont des avocats, et sous aucun prétexte des « avocates », mot qui fait plus de mal à mes oreilles que des ongles sur un tableau.