Nihil Nove

28 septembre 2005

C'était de Gaulle

De ces Mémoires de Joinville modernes je n'avais lu que les deux premiers tomes, et j'ai donc récemment pris le troisième volume de C'était de Gaulle, en commençant par la fin: les évènements de mai 68, au coeur desquels l'auteur Alain Peyrefitte, de l'Académie française, se trouva puisqu'il était alors ministre de l'Éducation nationale.

Tout C'était de Gaulle est un excellent ouvrage, mais la partie sur mai 68 est saisissante. Chaque paragraphe est à citer. Le témoignage est d'autant plus poignant qu'il est sans passion et suggère beaucoup plus qu'il n'en dit sur les circonstances de ces journées cruciales, et sur l'Etat et les passions des hommes en général.

On voit d'un côté la folie propre aux mouvements révolutionnaires, impensable pour des êtres raisonnables, et de l'autre le flottement de l'État, le manque d'autorité qui a permis à cette folie de ce répandre, et le retour de cette même autorité qui a empêché l'incendie de détruire la maison.

On y voit, et j'adore ça, comme François Léotard qui disait que son spectacle favori étaient les nuits qui précèdent les formations de gouvernements, les tractations de couloir, les coups de fil échangés au milieu de la nuit entre membres du cabinet, l'envers de la tapisserie. Mais on y voit surtout la démonstration de la nature humaine par l'exemple, et comment tout bâtiment humain tient par le sommet de la voûte. C'est vraiment la glissade de l'autorité qui a provoqué (je dis bien provoqué, pas autorisé) mai 68, tout comme c'est la solidification de celle-ci qui l'a arrêté.

Les personnages sont saisissants: on y voit un Georges Pompidou, alors Premier ministre, qui ne comprend pas le phénomène, et ensuite essaie de se placer comme l'homme de la situation pour satisfaire ses ambitions présidentielles. M. Peyrefitte aussi apporte sa réponse à la fameuse interrogation: le général de Gaulle est-il parti à Baden parce-qu'il croyait tout perdu, ou pour retourner la situation? Pour Peyrefitte, les deux à la fois, et de dresser enfin un portrait complexe, humain, de « l'intensité faite homme », de celui qui fut à la fois Jeanne d'Arc et Saint Louis, mais fut aussi un homme avec ses contradictions et ses doutes, comme vous et moi, et de résumer ce géant par ces trois mots: c'était de Gaulle.