Nihil Nove

28 septembre 2005

Pour la dictature de la loi

Laissez-moi pousser un petit coup de gueule. Normalement je ne le publierais pas, mais le fait que je m'apprête à évoquer est tellement démonstratif du phénomène que je décris ci-dessous qu'il doit être signalé. De plus, il entre dans la mission de Nihil Nove, radio libre du XXIème siècle, manifeste underground du journalisme de qualité, d'attaquer sans relâche le mauvais journalisme.

Le présentateur de LCI qui commentait l'attaque du Paoli a dit que les mutins risquent vingt ans de réclusion, car leur acte de détournement est « considéré par la loi comme un crime ». Considéré. Ce n'est pas considéré comme un crime, c'est un crime! La loi n'est pas une opinion parmi d'autres sur la définition du crime, elle est la définition. La loi ne considère pas, elle ordonne, permet ou interdit. (Elle ne favorise pas plus, d'ailleurs.) La loi est une règle qui est obligatoire pour tous et donc libère chacun.

On me dira que c'est un détail, un mot. J'oublie l'auteur qui déclara que la mauvaise utilisation de la langue devrait être punie par la loi, car tout gouvernement ne saurait être qu'un gouvernement de mots. De plus, ce mot fâcheux est aussi un symptôme. Les petits gestes de chacun sont révélateurs de convictions profondes. Si l'on dit que la loi considère quelque-chose, ça a beau n'être un mot, cela révèle quand même une opinion sur la loi. On pense que la loi est une bête mal connue, un machin, qui considère certaines choses, qui peut parfois vous frapper sans qu'on sache vraiment pourquoi, mais certainement pas un ordre, un cadre dans lequel on peut bâtir une vie vraiment citoyenne.

Encore une fois : même symptôme, même réponse. La faute à qui? À l'État. Eh oui. C'est la mission de l'État d'assurer l'état de droit, ce qui ne signifie pas seulement le maintien de l'ordre, mais aussi le fait d'avoir un droit qui soit un bon droit, dans les deux sens du terme : un droit efficace, qui repose sur peu de lois bien écrites. Un bon droit ça veut également dire un droit fondée sur l'éthique et les droits de l'homme : un droit qui puisse être connu — et reconnu — par tous comme étant conforme à son idéal de justice. Notre droit actuel est-il conforme à cette définition? J'ai bien peur qu'il considère beaucoup trop de choses pour ça.