Nihil Nove

28 septembre 2005

Les révoltés du Bounty

Au moment où j'écris ces lignes, des commandos de l'armée sont entrain de descendre par hélicoptère sur le Pascal Paoli, le navire de la SNCM qui a été détourné par des mutins syndicalistes. Je dis souvent que je suis libéral : c'est au sens du XVIIIème siècle, au sens étymologique : je crois en la liberté, je crois que le rôle de l'État est de permettre à tous la plus grande liberté possible.

Tout libéral a donc forcément une réaction instinctive de dégoût lorsqu'il voit un gouvernement, surtout démocratique, surtout le sien, tourner ses forces armées contre ses citoyens. Toutefois, justement parce que je suis libéral, je sais que cette précieuse liberté que je désire ne peut éxister que grâce à la loi. Notre système de gouvernement est fondé sur la loi, expression de la volonté générale, et quiconque entre en rébellion contre elle doit être sévèrement puni. Chacun a le droit d'exprimer ses opinions, mais l'action contre la loi doit être punie par la loi. Donc ces syndicalistes, qui traitent les droits de propriété et les lois de la République avec mépris ne méritent que trop leur sort.

Puisque je suis sur le terrain des principes généraux de la République, laissez-moi prendre la défense de ces syndicalistes. Après tout, lorsque l'on concède quelque chose à un enfant sans tracer de limites nettes, il ne sait plus où s'arrêter. Lorsque l'on brade un grand principe républicain, l'édifice est bancal, il se lézarde, et les autres colonnes du temple ne mettent pas longtemps avant de s'effondrer.

Le premier article de notre Constitution proclame l'unité et l'indivisibilité de la République. Si ce principe a recu une telle importance en étant placé dans le premier article de la Constitution, on se demande pourquoi l'État a autorisé la création d'assemblées et de régimes d'exception dans certains territoires de la République comme la Nouvelle-Calédonie ou, dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, la Corse. Les gens qui protestent contre la privatisation de la SNCM revendiquent une qualité de « nationalistes » corses. Ils doivent croire que le nationalisme n'a pas encore fait assez de dégâts en Europe... Quoi qu'il en soit, il ne faut pas leur reprocher leurs actions illégales. Comme l'enfant mal ou pas éduqué, il bouscule les meubles, fait tomber les vases, et il faut adresser les reproches au parent démissionnaire : l'État.

Il faut donc féliciter celui-ci de se rendre compte enfin de son devoir. Et éspérer que cette action n'est pas seulement un « coup » mais la première étape d'un retournement de politique qui rétablira enfin, en droit et en fait, l'indivisibilité de la République et le règne de la loi qui sont les vraies caractéristiques du « modèle français ».