Nihil Nove

03 octobre 2005

La Turquie et l'UE

Pour une fois qu'une typologie présentée dans les médias est la bonne : la question de l'entrée de la Turquie en Europe recouvre deux conceptions du projet européen. D'un côté une conception économique et ultra-libérale, qui verrait l'Europe comme une éspèce de super-marché. De l'autre une conception politique, qui verrait l'Europe comme un ensemble cohérent, politiquement fort, contrepoids à l'hégémonie planétaire américaine.

Son régime, ses traditions, sa position géographique, ses intérêts politiques, sans parler de religion ou de droits de l'homme, font que l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne représenterait tout simplement un sabordement du volet politique du projet européen. De l'autre côté, si on ne considère l'Union que comme un grand marché (ce qu'elle devrait aussi être), l'entrée de la Turquie rentre parfaitement dans cette vision ultra-libérale qui veut l'expansion à tout prix, dans toutes les directions, pour agrandir le marché d'autant, fournir aux économies développées européennes une main d'oeuvre et un marché potentiel importants, au prix d'intérêts politiques supérieurs.

Comme tant d'autres fois, le problème n'est pas tant que la question de l'admission soit posée, car après tout les ultra-libéraux ont autant de droits que moi à leurs opinions, le problème est qu'elle soit mal posée. Il n'existe aucune réflexion de fond sur les enjeux géopolitiques majeurs posés par cette candidature, et quand tentatives il y a elles sont trop souvent polluées par des invectives sur le thème racial ou religieux (des deux côtés: vouloir « combattre l'islamisation de la France » et accuser quelqu'un qui trouve qu'un pays où l'islam prédomine n'a pas sa place dans une institution aux racines chrétiennes d'anti-islamisme, c'est du même acabit).

A chaque étape du processus d'entrée de la Turquie on nous ment (au moins par omission) en présentant cette étape comme juste un évènement sans importance ni conséquences. J'ai des opinions arrêtées sur la Turquie, mais quelle que soit leur véracité, le fait est que l'entrée de la Turquie dans l'Union est un évènement qui aura des conséquences importantes durant tout le XXIème siècle. Pourtant, aucun débat de fond. C'est dans l'intérêt des hommes politiques d'escamoter le sujet, mais que font les médias? Encore une fois, ils sont trop légers à propos d'un débat de fond. Cette navrante absence de débat démocratique nourrit les extémistes et empêche la réflexion, et donc appauvrit toute la République.

Le Figaro : « Turquie: ouverture des négociations au forceps »
Le Monde : « L'UE tente d'arracher un compromis de dernière minute sur la Turquie »