Nihil Nove

08 juin 2005

Le sacrifice de l'esprit

Que retenir du discours de politique générale de notre Premier ministre ? Malheureusement peu de choses, car il fut tel que prévu : frileux .

Les mesures annoncées par M. de Villepin, et qui seront mieux détaillées ailleurs, sont certes bonnes, et elles représentent un pas dans la bonne direction, mais elles n'ont pas de commune mesure ni avec les mesures nécessaires, ni avec les ambitieux objectifs fixés par le Président de la République . M. de Villepin, comme le reste de la droite—et une partie de la gauche—est un libéral qui refuse de s'avouer, et ce discours n'a pas été l'occasion d'un coming out .

Notre économie a certes besoin de plus de liberté, cette liberté que recherchaient aussi les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du Code civil . Notre pays a surtout besoin d'une vraie politique, avec un affrontement de convictions, avec de grandes mesures et de vrais débats d'idées . La frilosité et la recherche du consensus de nos hommes politiques endort l'esprit et alimente les impérieux dangers que sont les extrêmismes . L'idéologie ne peut être combattue que par les valeurs et les convictions, pas par le relativisme et la tiédeur, et je regrette que nous fassions, par peur, ce cadeau en or à MM. Le Pen et Besancenot .

J'ai déjà eu l'honneur d'évoquer la politique et les moyens que j'éstime nécessaires au Gouvernement, et j'aimerais seulement ici, pour reprendre un anglicisme, étendre ma sympathie à M. de Villepin . Voici un homme de grande qualité intellectuelle, pénétré de l'idée de la Nation, qui est poussé par un voeu d'allégeance qu'à son honneur il maintient envers et contre tout, restant dans les rangs de la chiraquie qui faiblit et diminue, l'artisan d'une politique telle qu'elle est désormais faite : une politique apolitique, consensuelle, vide . Le discours de notre Premier ministre, qui publia des recueils de poésie dans une autre vie, a reflété cette terne évolution née de la mort de la conviction . Il porte entier la marque de ceux que j'appelle les « JEB », les jeunes énarques brillants mais apolitiques qui sont aujourd'hui la main d'oeuvre du personnel politique de la chiraquie . Ce discours était cuisiné avec la fade farine de leur rhétorique consensuelle et machinalement malaxé par leurs adjectifs grandiloquents .

J'ai eu le regret d'être le seul à faire remarquer l'ironie—forcément volontaire—qu'il y a pour l'auteur des Cent jours ou l'esprit du sacrifice à déclarer qu'il se donne cent jours pour gagner la confiance des français . Celui-ci a décidé, pour son mentor qu'est cet homme exceptionnel, M. Chirac, de faire sien cet esprit du sacrifice . Cependent, M. de Villepin n'est certainement pas dupe que, en ce qui concerne la dimension de la France face à son destin, son discours de politique au glucose participe au sacrifice de l'esprit .